mercredi 22 juin 2011

Une journée dans la vie d’une stagiaire canadienne

J’ai pensé qu’il serait intéressant pour vous, qui pour la plupart n’avez pas mis le pied en Afrique, de vous partager quelques détails du quotidien d’une canadienne au Mali afin de meiux vous dépeindre certains détails cocasses ou enjôleurs de l’Afrique. Une tranche de vie quoi!

Aujourd’hui, samedi. 9h. Les yeux grands ouverts malgré le fait que je n’aie trouvé le sommeil qu’après les coups de 4h. La cause? Un heureux mélange de thé trop fort bu trop tard et de la chaleur accablante qui ne semble pas vouloir quitter mes appartements. Ah, et le cri démentiel d’un âne. Hi haaaaaaaaaan hi haaaaaaaaaaaaan. Damn you Donkey!

J’abdique : je soulève mon moustiquaire et me lève. Courte douche froide afin de me libérer des dernières chaleurs de la nuit et de me ragaillardir. JF est parti chercher du pain à la boutique pour notre ptit déj. Je mets une bouilloire sur le feu (une bombonne de propane qu’on allume avec des allumettes) histoire d’avoir de l’eau à boire dans les prochaines heures. Après le ptit déj, je pars à pied vers les bureaux de l’IPR voir si la rencontre hebdomadaire du samedi a lieu et m’essayer sur internet pour prendre des nouvelles de vous, et vous en donner.

Je prends le sentier qui traverse les champs, car c’est plus court… et plus exotique : palmiers, poules, chèvres, cocotiers sont de mise. Aussi, il y a moins de gens… quand on se lève d’une courte nuit et que l’énergie nous manque, c’est parfois indiqué. J’arrive au local de conférence. Deux stagiaires maliens y sont. Je les salue, m’enquière s’il y a une réunion, non. Je vais saluer Awa qui travaille dans la salle d’à côté, fais le tour pour voir si je n’ai oublié personne. Ah oui, Mouri, le sympathique homme à tout faire qui m’a baptisée Fanta. Je traverse ensuite une petite clairière pour me rendre aux locaux où j’ai (sporadiquement) accès à internet, non sans soigneusement éviter une marre de boue dans laquelle j’ai glissé et failli souiller mes vêtements hier soir.

La porte est barrée (ici on a une relation particulière avec les clés, qui démontrent une position, un pouvoir). Kaboro, l’homme en charge de tout ce qui est informatique sur le domaine de l’IPR n’a pas la clé (pourquoi? C’est mystérieux, lui-même ne peut pas vraiment expliquer … il devrait toutefois en recevoir une copie éventuellement, les démarches sont entamées… à suivre). On fait le tour du bâtiment ensemble afin d’aller voir si le secrétariat est ouvert (ils ont une copie). Non. Kaboro demande au gardien, qui lui dit que le directeur viendra dans 5 minutes. Il part chez lui, et moi j’attends. Peut-être 30 minutes. Peut-être plus. Le gardien vient ensuite ouvrir le secrétariat et « préparer la place » (ouvrir la clim, les fenêtres). Mes espoirs sont déçus, il ne me tend pas de clé. Je continue l’attente, moins longue cette fois; le directeur arrive, me tend la clé et pour des raisons logistiques, me la confie pour le week-end. Wow! Une promotion!!!!

J’ouvre (enfin!) le local près d’une heure trente après avoir quitté la maison. Coupure de courant. Damn! Je décide de faire un sit in et d’y rester jusqu’à ce que le courant revienne. Modibo arrive entretemps et nous travaillons efficacement sur nos projets de l’été. C’est motivant. L’expérience et les connaissances de ce professeur de l’IPR sont impressionnantes et son désir d’action me stimule et me ressemble davantage. On s’accorde pour dire qu’après 4 ans de discours et d’enquêtes, il est temps d’apporter des résultats concrets à ces paysans que l’on dérange chaque fois en saison des pluies.

Modibo part. Je reste un peu… à 13h, j’abdique en raison d’un ventre creux. Je retourne lentement sous le chaud soleil chez moi. Malik, notre ami et voisin est en grande discussion avec JF. Et j’apprends qu’on a un « coloc » pour la nuit, un professeur de l’IPR. Un peu confuse, je suis vite rassurée lorsque je vois à quel point M. Amadou Diarra est sympathique. Je quitte acheter des pâtes à la boutique pendant que JF commence à couper les oignons et faire bouillir l’eau. Devant l’entrée, je prends soin d’éviter les crottes fraîches laissées par l’âne. Ici, il y a des crottes de tout partout : de cheval, de chèvres, d’ânes, de chats, de chiens, de moutons, de vaches... On les évite du mieux qu’on peut quand elles sont fraîches (surtout qu’on est tous en gougounes!), mais au bout de quelques jours elles sont complètement sèches, donc c’est moins stressant! En chemin je salue tout le monde que je croise. La plupart me répondent, heureux d’être salués par une toubab. Certains m’ignorent (ça fait toujours un peu mal!). J’arrive à la boutique, salue tout le monde qui est assis à l’entrée, essaie de pratiquer mon bambara, procède à mes achats puis rentre, tranquillilou.

On mange pour la première fois en 2 semaines des pâtes avec de la garniture (i.e. pas blanches!). Miam! Elles sont vite englouties. Pendant cette razzia, des petits lézards courent un peu partout autour de nous et grimpent sur les murs de la maison. Les moutons de nos voisins passent faire leur visite quotidienne en passant par un trou dans la clôture, non sans bêler leurs expectatives. Je mets une nouvelle bouilloire sur le feu afin d’avoir plus d’une bouteille à réfrigérer. On fait ensuite la vaisselle, dans un gros bac que l’on place dans notre douche. On sue à grosse gouttes rien qu’à nettoyer le tout. Voulant envoyer à notre coordonnateur de l’UL les documents que nous avons rédigés, Modibo et moi, je prévois retourner m’essayer sur internet puisque le courant est revenu.

14h. La pluie commence. Elle se déchaîne. Une pluie torrentielle en dessous de laquelle personne ne s’aventure. Elle dure. Tant pis pour internet. Après avoir contemplé un long moment la force des éléments et la beauté de ce paysage sonore, je vais lire dans ma chambre, puis m’assoupie. Vers 17h je me réveille et JF et moi décidons d’appeler notre ami Koné, un stagiaire de l’IPR qui voulait nous inviter à prendre le thé. Comme la pluie est finie, on peut y aller. Il vient nous chercher, nous passons en route devant le terrain de basket où j’ai tant de plaisir à suer ma vie. J’aurais bien aimé jouer aujourd’hui, mais j’ai une invitation, on se reprendra demain, inch’Allah!

L’accueil de la maisonnée est chaleureux. Les discussions vont bon train. Le thé est délicieux. Un petit garçon part en courant acheter des arachides à la boutique. Elles agrémentent bien le thé. Je joue avec une jolie petite fille. Elle fouille dans mon sac, touche mes cheveux, prend mon foulard. À un certain moment, je sens quelque chose de chaud sur mon pied. Elle me pisse dessus! Je le retire bien vite, mais le mal est fait!!! Je vais me rincer les pieds à l’aide d’une bouilloire en plastique que la mère de famille m’a remplie. Elle vient sur le rocher balayer l’urine de sa fille en y jetant de l’eau, pour diluer le tout. J’essaie tant bien que mal de l’aider, mais on ne me laisse pas faire.

19h. Il est l’heure de partir, car on nous attend pour le souper. Koné nous accompagne jusque chez Modibo. Ici c’est comme ça. On ne laisse pas les gens rentrer seuls; on les accompagne jusqu’à leur destination finale. En chemin, on croise notre voisin Ousmane qu’on a eu du mal à reconnaître parce qu’il porte un manteau d’hiver. Il faut dire que la pluie a refroidi le climat, mais il fait encore au moins 30 degrés!

Arrivée chez Modibo, Ancien me saute dans les bras, veut que je le balance. Oumou est en train de coiffer les jeunes filles de la maisonnée (sa nièce et une aide-ménagère qui ont une soirée). Mamie est magnifique avec ses nouvelles tresses parsemées de cauris, des petits coquillages qui ont longtemps servi de monnaie en Afrique de l’Ouest, faites spécialement pour la fête de fin d’année. Je joue un peu avec Aïssata, mange un délicieux repas malien (du niébé avec une sauce aux oignons), discute un peu avec Modibo, puis pars avec JF, car on s’est dit qu’on réessayerait internet, comme la connexion fonctionne aujourd’hui. En chemin on croise Koné, qui nous accompagne afin qu’on lui montre comment se servir de Google Scholars.

Dans cette noirceur enveloppante, on prend le goudron. Le faible faisceau de ma lampe a du mal à nous indiquer tous les obstacles : crapauds écrasés, branches d’arbres, crottes de ci, crottes de ça, crottes de ci et ça. On arrive tout de même indemnes ET la connexion fonctionne! Wow! Après quelques temps à surfer sur le net, je suis prête à partir, mais pas mes collègues. Je les attends un peu, puis la pluie commence. Je suis donc confinée à rester là. Je m’invente quelques trucs à faire. La plus grosse araignée que vous pouvez imaginer (genre plus de 15 centimètres) passe furtivement à quelques centimètres de mes pieds. Je crie et me lève en sursaut. Koné, ahuri, lorsqu’il comprend la cause de mes cris enlève sa sandale et part à la recherche de la fautive, qui se promène un peu partout dans la pièce, insaisissable, puis s’évapore dans la nature. Je reprends là où j’étais.

Une heure plus tard, panne de courant. Bon, bien on va partir. Heureusement la pluie a cessé (ou presque). Les arbres majestueux s’essorent sur nous et leurs feuilles humides frétillent. Le chemin du retour se fait avec un léger stress : la foudre tombe par deux fois sur des poteaux électriques à côté de nous, de sorte que nous voyons les flammèches. Le ciel, souvent illuminé d’éclairs, est magnifique. Des serpents lumineux se tortillent çà et là dans le firmament malien. Parfois, c'est la voûte céleste au complet qui s’illumine dans des teintes de mauve et d’oranger, pour une seconde ou deux. J’ai souvent vu des orages dans ma vie, mais autant d’éclairs à la minute, c’est une première.

12h30. On arrive enfin indemnes à la villa. Je me rince les pieds dans une flaque d’eau (la plupart des chemins sont en terre et, après la pluie, en bouette!) et entre. Je fais bouillir de l’eau, encore. Me lave, pour la 4e fois de la journée (cette chaleur!), descends ma moustiquaire, branche mon ventilo et écris ces quelques lignes. Bonne nuit!

1 commentaire:

  1. Mon ange j'adore voyager à travers tes écrits, j'ai l'impression d'être à tes côtés et donc je m’ennuie moins l'espace de quelques minutes... Ehibouk habibti!!
    bisous

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