lundi 30 janvier 2012

Un peu de politique

Vendredi le 27 janvier dernier, une certaine effervescence était palpable à Dakar, puisqu’on attendait la décision du Conseil constitutionnel concernant quels candidats étaient officiellement dans la course à la présidence, pour les élections qui auront lieu dans un mois.

J’avais rendez-vous à 15h à l’OMVS, pour y rencontrer le Directeur de l’environnement et du développement durable. J’arrive à 15h pile. Je passe la sécurité, j’arrive au bureau de la secrétaire et elle m’apprend que M. le Directeur vient tout juste de quitter et que je ne peux pas attendre dans la salle d’attente, car elle doit rentrer. J’appelle l’homme en question puisque la veille nous avions confirmé le rendez-vous, l’endroit et l’heure. Il me dit qu’il a dû sortir, mais qu’il arrive « tout de suite » (T.I.A.) et me demande de tendre le portable à sa secrétaire, pour lui donner ses instructions. Je l’attends donc, seule, dans les bureaux de l’OMVS à faire des mots fléchés pendant plus d’une heure trente. Après deux grilles de complétées, il arrive enfin.

Nous discutons pendant plus d’une heure de ma question de recherche et de bien d’autres choses (T.I.A.). Puisqu’il doit quitter la ville pour se rendre à Thiès, il ne peut pas m’inviter à manger ou aller me déposer à Guédiawaye (Teranga oblige), mais nous nous reprendrons me dit-il.

Plus tard dans la soirée, la décision du Conseil constitutionnel fut rendue : Wade, le Président actuel, pourrait briguer un troisième mandat (ce qui, pour un grand nombre de juristes semble être anticonstitutionnel, mais la loi est ambiguë puisque la Constitution a changé au cours du premier mandat de Wade, d’où une question de non-rétroactivité de la loi, mais encore là, c’est délicat). La ville éclate. Le pays aussi. Partout, les gens crient leur colère, clament l’injustice de cette décision et la corruption du Conseil.

Vers minuit, Khalil et Fama qui regardent les infos m’appellent en panique. À la télé, brûle le siège de l’OMVS où j’étais quelques heures plus tôt. Quelques minutes plus tard, El Hadji rentre et m’apprend qu’on brûle une voiture juste en dehors des murs du lycée. Ya pas à dire, partout dans Dakar les gens protestent. Partout dans le pays également. Un policier sera tué au cours de cette soirée.

Le lendemain, la ville semble avoir retrouvé son calme. Malgré tout, les stigmates de la nuit sont toujours présents. Près de chez moi, le marché du samedi a lieu, mais celui-ci s’est dressé au milieu des cendres qui jonchent la rue. Malgré l’indignation générale, les Sénégalais ont retrouvé leur contenance habituelle (enfin presque partout, le marché de Kaolack brûlait encore à ce moment). La colère déchaînée fait plutôt place à une révolte qui se planifie, qui s’organise.

Demain, mardi, on attend un grand mouvement à Dakar. Les principaux partis l’opposition (mouvement du 23 juin) s’organisent pour protester pacifiquement à cette décision impopulaire. Malgré tout, il semble peu recommandé d’aller se balader dans certains coins de Dakar.

Bien que ces incidents retardent quelque peu mes démarches pour ma recherche, ils sont vraiment instructifs et je peux dire que je sens vraiment que je prends part à l’actualité internationale, que je la vis au même rythme que les Sénégalais.

À suivre….

La générosité sénégalaise

L’autre jour, ma petite sœur Diewo, après m’avoir coiffée, m’a donné 3 beaux bracelets argent en aluminium. Le lendemain, Fama m’a complimentée sur ces bracelets et j’ai dit que c’est Diewo qui me les avait prêtés. Lorsqu’elle fut interrogée sur la façon dont elle se les était procurée, Diewo a expliqué qu’un voisin lui a donné 100 CFA et qu’au lieu de s’acheter des bonbons avec cette somme, ce qu’elle fait habituellement, elle voulait offrir quelque chose à sa grande sœur qui lui avait apporté une belle robe. Les bracelets, ce n’était donc pas un prêt, mais un cadeau. 6 ans qu’elle a la petite….

Comment fait-on pour obtenir un visa mauritanien?

D’abord on part très tôt de chez soi, car c’est loin et ça ouvre dès 9h. Avec l’administration en Afrique, on n’est jamais trop prévoyant. On arrive vers 10h, car on a cherché son chemin pendant près de 30 minutes, se faisant diriger dans toutes les directions possibles et imaginables (il doit y avoir 33 ambassades de Mauritanie, si on se fie aux indications des passants aléatoirement interrogés).

Une fois arrivé, on se fraye un chemin dans la foule confuse pour demander les formulaires au bureau du consul. On remplit ledit document du mieux qu’on peut, pour ensuite retourner dans le bureau de consul. Pas de numéros, pas de file. On y va au gré de notre volonté et de nos couilles (figuratives, bien évidemment).

Une fois le document épluché par le consul, il explique que, pas de contact ou d’adresse en Mauritanie = pas de visa d’entrées multiples et restreint à un mois. Ensuite, il vous bafouillera quelque chose de pas clair à propos de payer au gars à l’extérieur. Après avoir interrogé tout le monde qui semble comme vous attendre ledit percepteur, vous ferez comme tout le monde, c’est-à-dire que vous vous assoirez bien sagement et vous attendrez que celui-ci daigne bien rentrer travailler (il est déjà 11h).

La suite, c’est libre à vous. Pour ma part, j’ai fraternisé avec un Sénégalais, un Indien, un Congolais, une Sénégalaise et des Français. Ces derniers m’ont présenté leur guide, un vieil homme basané, édenté, ridé et tout petit. C’est le meilleur guide selon ces humanitaires qui ont été plusieurs fois en Mauritanie avec lui, puisqu’il est un ancien militaire très réputé et respecté partout dans le pays. Avec lui je serai en sécurité.  

Vers 12h, le percepteur arrive et entre dans le bureau du consul prendre des notes afin d’ensuite appeler un par un les demandeurs de visa. Après plus d’une demi-heure d’attente, l’Indien décide d’aller essayer de glisser quelques billets supplémentaires pour passer plus vite. C’est un sympathique businessman qui a 5 rendez-vous dans la journée. Trop de monde présent, la tentative ne fonctionne pas et il s’en plaint en riant, puisque dans son pays ça fonctionne comme ça aussi. À la blague il me dit qu’il aime la corruption, et qu’aux États-Unis et en Europe il a eu de la difficulté, puisqu’il ne comprenait pas le système (ou celui-ci est moins « accommodant »). Il me dit d’aller voir, puisque je suis 12e sur la liste et qu’ils sont rendus à 18. En effet, il y avait eu confusion et on a donné mon reçu à un Anglais prénommé Andrews (est-ce si semblable?), c’est pour ça que j’ai attendu aussi longtemps. Alors, je paie 41000 CFA (100$), je n’ai pas de reçu et demain, quand je viendrai récupérer mon passeport j’aurai le reçu à mon nom inch’Allah. Mais l’heure à laquelle je dois revenir et la façon dont je pourrai obtenir mon reçu sont obscures.

Malgré tout, cette visite fut prolifique puisque j’ai pu obtenir divers contacts de gens voyageant en Mauritanie. Reste à voir si je pourrai récupérer mon passeport avec un visa à mon nom dedans ainsi que le reçu en question!

lundi 23 janvier 2012

Les retrouvailles

21h15, aéroport de Dakar. Je suis prise dans le tourbillon habituel des passagers qui désirent tous sortir en même temps, mais fois 1000, puisqu’ici, on est en Afrique : tout le monde est pressé d’arriver en retard. Douanes passées, bagages TOUS retrouvés (une première pour moi dans les 4 derniers voyages!), quelques solliciteurs insistants remerciés, je sors et cherche Khalil du regard. Après un certain moment, je commence à douter qu’il vienne à ma rencontre, puisque notre dernière conversation était restée un peu floue sur ce point. Après une dizaine de minutes, j’aperçois un jeune homme en complet se frayer un passage dans la foule… C’est Mara! Je le rejoins, il me présente Ousmane, un voisin qui a gentiment accepté de venir me chercher. Khalil nous retrouve et nous retournons à la maison. J’essaie de réaliser que je suis là, parce que, fidèle à mon habitude, j’ai trouvé le moyen de rusher à la dernière minute, ne pouvant constater pleinement ce qui m’attend.

Je suis en Afrique, mais je ne le réalise pas trop. Est-ce l’habitude? Le climat qui, contrairement à d’habitude, est loin d’être suffocant? Le fait que je n’ai pas eu à négocier de taxi? Le fait que je sois arrivée à l’heure? Je n’en sais rien, mais je ne me sens pas comme à l’habitude. J’ai plutôt un feeling de début d’automne au Québec que le sentiment d’être plongée dans le bordel bruyant de la torride Afrique que je connais.

Arrivée à la maison, le sentiment s’estompe grâce à la vue de mes petits frères et sœur; El Hadj qui est rendu un homme, Baba et Mara, mes complices d’autrefois maintenant timides puisqu’adolescents, Mamie qui a tant grandi, la dynamique Diewo et le petit Papa. On se retrouve, on mange (même s’il est maintenant 23h30), on se donne des nouvelles de la famille, des amis, on rit, je m’installe dans ma chambre que je partagerai avec Mamie, puis on s’écroule de fatigue vers 1h. Avant de m’endormir, je ne peux m’empêcher de penser « Mais qu’est-ce que je fais ici? Pourquoi avais-je si hâte d’être ici? ». L’air de Dakar est étouffant, l’odeur des égouts me monte à la tête et je me dis que je ne réussirai pas à y passer plusieurs semaines…

À ceux qui se demandent ce que j’ai répondu à « Mais qu’est-ce que je fais ici ? »,je connais la réponse. Je fuis l’anesthésie et l’inertie dans lesquels le confort du Québec a tendance à me plonger. Je saute dans le vide. Je vis mes émotions à une échelle exponentielle. L’Afrique c’est ma drogue. Ce sont les sensations fortes que d’autres vont chercher dans le bungee, le parachute, les sports extrêmes… Je ne peux quand même m’empêcher de me dire que je me suis lancée dans une entreprise quelque peu ambitieuse et je ne réalise que maintenant l’ampleur de tout ce qui m’attend si je veux que ce séjour soit prolifique, pas seulement pour me rassasier de ma drogue, mais aussi au plan académique. Pendant la nuit je me réveille et je vois ma petite sœur Mamie dormir à côté de moi. Cette petite que j’ai vue grandir, qui a volé mon cœur quand elle n’avait que 2 ans, la voici auprès de moi, près de 8 ans plus tard… ça m’émeut, et je ne me suis pas formalisée outre mesure des quelques claques que j’ai reçues pendant la nuit!!!

Dimanche matin, je n’ai pas vraiment le temps de me sentir nostalgique, mélancolique ou dépassée par l’entreprise dans laquelle je me suis lancée. C’est jour de congé et j’en profite pour passer du temps avec la famille. Mamie, Diewo et moi nous chatouillons, elles me coiffent, nous passons une bonne partie de la journée ensemble. Le midi je mange le classique ceebu jën (riz au poisson) et pour la première fois depuis si longtemps je l’apprécie. J’avais pourtant une écoeurette aiguë de riz depuis mon premier séjour de 6 mois ici, mais là, je le savoure le plat national du Sénégal. Plus tard, Fama m’accompagne faire le tour du « village » (les employés du Lycée qui habitent sur le campus). La journée passe en un clin d’œil. À chaque instant, je retrouve des caractéristiques de l’Afrique qui m’attendrissent : les rires des enfants, la simplicité des jeux, les moments qu’on passe tous ensemble à rien faire, une mère qui tresse son enfant, la responsabilité que tout un chacun partage à l’endroit d’un plus petit que soi…

Parenthèse sur la dernière : on peut voir une petite de 5 ans prendre sa petite sœur de 4 ans par la main et la protéger des voitures sur un boulevard, lui dire quand avancer, quand arrêter, etc.; on peut voir n’importe quel adolescent qui entre à la maison se faire un point d’honneur à prendre soin de Papou, le petit dernier; et chaque fois que celui-ci s’éloigne ou fait une gaffe, n’importe lequel ou de mes frères et sœurs va s’assurer de l’éloigner de ses bêtises; …

Aujourd’hui, après un tour « de l’ambassadeur » avec Khalil pour rencontrer les différents membres du personnel du lycée, nous nous sommes rendus à l’université pour m’aider à me repérer dans Dakar, que je suis loin de maîtriser, ayant passé le plus clair de mon temps à Tiavaouane, et tenter de rencontrer un professeur de géo que le censeur du lycée nous a référé (tout marche avec des contacts ici, et je commence dès ma deuxième journée à en profiter!). Nous n’avons pas pu le trouver, mais j’ai parlé à sa secrétaire et demain, inch’Allah, je le rencontrerai. Sur le retour, toujours en tap-tap (moyen de transport qui porte définitivement bien son nom!) j’ai tout le temps pour admirer ce bordel organisé (du moins généralement) qui me plaît temps.

De retour ici, je passe du temps surtout avec mes sœurs. J’écris pendant que Mamie fait ses devoirs à mes côtés, que Diewo me coiffe (et Mara, curieux de peigner des « cheveux naturels » aussi!)… Je m’attendris quand Diewo s’endort sur mes jambes… À chaque repas, je suis émue par la maturité et la générosité de Mamie qui met devant moi les meilleurs morceaux de poisson, de garniture ou les légumes. Quand elle voit qu’il ne reste plus de lime, elle somme Baba, son aîné qui ADORE la lime et qui en garde toujours une dans ses mains, d’en mettre sur ma portion… En plus, je suis impressionnée par son français qui est excellent.

Comment dire, en l’espace de 48 heures, toute la crainte et l’appréhension m’ont quittée (bon, j’ai encore beaucoup de pain sur la planche, mais je l’aborde avec plus de sérénité). Évidemment de gros défis m’attendent, notamment la grève des transporteurs annoncée pour mercredi jeudi et vendredi (ce qui veut dire que TOUTES les activités sont paralysées puisque bus, cars et taxis ne seront pas sur les routes)… Mais bon… une chose à la fois, je suis certaine que de savoureuses anecdotes découleront de ces événements futurs…

Et la famille Diawara vous salue.