lundi 23 janvier 2012

Les retrouvailles

21h15, aéroport de Dakar. Je suis prise dans le tourbillon habituel des passagers qui désirent tous sortir en même temps, mais fois 1000, puisqu’ici, on est en Afrique : tout le monde est pressé d’arriver en retard. Douanes passées, bagages TOUS retrouvés (une première pour moi dans les 4 derniers voyages!), quelques solliciteurs insistants remerciés, je sors et cherche Khalil du regard. Après un certain moment, je commence à douter qu’il vienne à ma rencontre, puisque notre dernière conversation était restée un peu floue sur ce point. Après une dizaine de minutes, j’aperçois un jeune homme en complet se frayer un passage dans la foule… C’est Mara! Je le rejoins, il me présente Ousmane, un voisin qui a gentiment accepté de venir me chercher. Khalil nous retrouve et nous retournons à la maison. J’essaie de réaliser que je suis là, parce que, fidèle à mon habitude, j’ai trouvé le moyen de rusher à la dernière minute, ne pouvant constater pleinement ce qui m’attend.

Je suis en Afrique, mais je ne le réalise pas trop. Est-ce l’habitude? Le climat qui, contrairement à d’habitude, est loin d’être suffocant? Le fait que je n’ai pas eu à négocier de taxi? Le fait que je sois arrivée à l’heure? Je n’en sais rien, mais je ne me sens pas comme à l’habitude. J’ai plutôt un feeling de début d’automne au Québec que le sentiment d’être plongée dans le bordel bruyant de la torride Afrique que je connais.

Arrivée à la maison, le sentiment s’estompe grâce à la vue de mes petits frères et sœur; El Hadj qui est rendu un homme, Baba et Mara, mes complices d’autrefois maintenant timides puisqu’adolescents, Mamie qui a tant grandi, la dynamique Diewo et le petit Papa. On se retrouve, on mange (même s’il est maintenant 23h30), on se donne des nouvelles de la famille, des amis, on rit, je m’installe dans ma chambre que je partagerai avec Mamie, puis on s’écroule de fatigue vers 1h. Avant de m’endormir, je ne peux m’empêcher de penser « Mais qu’est-ce que je fais ici? Pourquoi avais-je si hâte d’être ici? ». L’air de Dakar est étouffant, l’odeur des égouts me monte à la tête et je me dis que je ne réussirai pas à y passer plusieurs semaines…

À ceux qui se demandent ce que j’ai répondu à « Mais qu’est-ce que je fais ici ? »,je connais la réponse. Je fuis l’anesthésie et l’inertie dans lesquels le confort du Québec a tendance à me plonger. Je saute dans le vide. Je vis mes émotions à une échelle exponentielle. L’Afrique c’est ma drogue. Ce sont les sensations fortes que d’autres vont chercher dans le bungee, le parachute, les sports extrêmes… Je ne peux quand même m’empêcher de me dire que je me suis lancée dans une entreprise quelque peu ambitieuse et je ne réalise que maintenant l’ampleur de tout ce qui m’attend si je veux que ce séjour soit prolifique, pas seulement pour me rassasier de ma drogue, mais aussi au plan académique. Pendant la nuit je me réveille et je vois ma petite sœur Mamie dormir à côté de moi. Cette petite que j’ai vue grandir, qui a volé mon cœur quand elle n’avait que 2 ans, la voici auprès de moi, près de 8 ans plus tard… ça m’émeut, et je ne me suis pas formalisée outre mesure des quelques claques que j’ai reçues pendant la nuit!!!

Dimanche matin, je n’ai pas vraiment le temps de me sentir nostalgique, mélancolique ou dépassée par l’entreprise dans laquelle je me suis lancée. C’est jour de congé et j’en profite pour passer du temps avec la famille. Mamie, Diewo et moi nous chatouillons, elles me coiffent, nous passons une bonne partie de la journée ensemble. Le midi je mange le classique ceebu jën (riz au poisson) et pour la première fois depuis si longtemps je l’apprécie. J’avais pourtant une écoeurette aiguë de riz depuis mon premier séjour de 6 mois ici, mais là, je le savoure le plat national du Sénégal. Plus tard, Fama m’accompagne faire le tour du « village » (les employés du Lycée qui habitent sur le campus). La journée passe en un clin d’œil. À chaque instant, je retrouve des caractéristiques de l’Afrique qui m’attendrissent : les rires des enfants, la simplicité des jeux, les moments qu’on passe tous ensemble à rien faire, une mère qui tresse son enfant, la responsabilité que tout un chacun partage à l’endroit d’un plus petit que soi…

Parenthèse sur la dernière : on peut voir une petite de 5 ans prendre sa petite sœur de 4 ans par la main et la protéger des voitures sur un boulevard, lui dire quand avancer, quand arrêter, etc.; on peut voir n’importe quel adolescent qui entre à la maison se faire un point d’honneur à prendre soin de Papou, le petit dernier; et chaque fois que celui-ci s’éloigne ou fait une gaffe, n’importe lequel ou de mes frères et sœurs va s’assurer de l’éloigner de ses bêtises; …

Aujourd’hui, après un tour « de l’ambassadeur » avec Khalil pour rencontrer les différents membres du personnel du lycée, nous nous sommes rendus à l’université pour m’aider à me repérer dans Dakar, que je suis loin de maîtriser, ayant passé le plus clair de mon temps à Tiavaouane, et tenter de rencontrer un professeur de géo que le censeur du lycée nous a référé (tout marche avec des contacts ici, et je commence dès ma deuxième journée à en profiter!). Nous n’avons pas pu le trouver, mais j’ai parlé à sa secrétaire et demain, inch’Allah, je le rencontrerai. Sur le retour, toujours en tap-tap (moyen de transport qui porte définitivement bien son nom!) j’ai tout le temps pour admirer ce bordel organisé (du moins généralement) qui me plaît temps.

De retour ici, je passe du temps surtout avec mes sœurs. J’écris pendant que Mamie fait ses devoirs à mes côtés, que Diewo me coiffe (et Mara, curieux de peigner des « cheveux naturels » aussi!)… Je m’attendris quand Diewo s’endort sur mes jambes… À chaque repas, je suis émue par la maturité et la générosité de Mamie qui met devant moi les meilleurs morceaux de poisson, de garniture ou les légumes. Quand elle voit qu’il ne reste plus de lime, elle somme Baba, son aîné qui ADORE la lime et qui en garde toujours une dans ses mains, d’en mettre sur ma portion… En plus, je suis impressionnée par son français qui est excellent.

Comment dire, en l’espace de 48 heures, toute la crainte et l’appréhension m’ont quittée (bon, j’ai encore beaucoup de pain sur la planche, mais je l’aborde avec plus de sérénité). Évidemment de gros défis m’attendent, notamment la grève des transporteurs annoncée pour mercredi jeudi et vendredi (ce qui veut dire que TOUTES les activités sont paralysées puisque bus, cars et taxis ne seront pas sur les routes)… Mais bon… une chose à la fois, je suis certaine que de savoureuses anecdotes découleront de ces événements futurs…

Et la famille Diawara vous salue.

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