lundi 18 juillet 2011

Audry au Mali... en villages!

Il y a une semaine débutaient les visites en villages, soit la partie charnière de mon stage, ce pour quoi je me préparais depuis près d’un mois déjà. Première destination : Siratiguila. Pour s’y rendre, nous devions traverser le fleuve et s’enfoncer dans la brousse pour près de 20 minutes (si la route est belle). L’accueil fut digne de l’Afrique : verre d’eau à notre arrivée, arachides, sceau de lait (je n’ai fait que semblant de boire; pas d’électricité dans le village = pas de réfrigérateur + du lait non pasteurisé… j’ai passé mon tour!), repas de roi une fois que la réunion fut terminée. Je me suis bien amusée.

Comme c’était le premier village, je découvrais tout et j’ai fait une vraie kid kodak de moi : champs parsemés de baobabs et d’arbres à karité, greniers sur pilotis, construction de terre séchées, abris rustiques pour se protéger du soleil, four à karité (pour en extraire le beurre), enfants au sourire étincelant, femmes coquettes et aux habits multicolores, etc.

La rencontre s’est déroulée à l’africaine : à l’ombre d’un grand arbre et entrecoupée de thé. Les paysans ont exprimés leurs préoccupations et leurs besoins, nous en avons discuté pour près de 3 heures. Nous avons été arrêtés dans nos palabres par une brève, mais intense pluie. Résultat, tout le monde s’est réfugié chez le chef du village et j’en ai profité pour faire un diaporama sur mon ordi afin de leur montrer leurs photos. Il fallait voir les réactions et l’émerveillement de tout un chacun. Lorsque la pluie fut calmée, nous avons demandé la route. On nous la refusa. Pas le droit de partir avant de manger le succulent spaghetti au karité qu’ils nous avaient préparé. J’ai été la dernière à arrêter de manger tellement c’était bon et différent (et je crois que les femmes en étaient ravies). Je n’ai pas manqué de leur dire à quel point c’était bon, avec les quelques rudiments de bambara que je possède. Vers 14h, nous avons pu avoir la permission de quitter, avec un attroupement derrière le pick up qui nous saluaient, tout sourire. Le coup d’envoi annonçait une semaine riche en expériences humaines et en découvertes des beautés (tant physiques que morales) de l’Afrique.

Arrivés à Gouni (là où nous prenons le bac pour traverser le fleuve), celui-ci était pris de l’autre côté en raison du mauvais temps qui s’annonçait. Nous sommes donc restés près de 2 heures à la Mairie de Gouni à attendre le bac (ce n’était là que le début de ma constatation des horaires pour le moins flexibles du bac).

Le lendemain, cap sur Dianguinabougou, qui est à près d’une heure de l’autre côté du fleuve. La route était à couper le souffle. Routes de terre rouge bordée de végétation émeraude, milliers de zébus transhumants (qui nous ont plusieurs fois retardés, puisqu’ils prenaient toute la route sur une centaine de mètres à plusieurs endroits), petits villages rustiques, enfants travaillant aux champs et saluant les rares véhicules sur la route, hommes à vélo se rendant travailler sur leurs terres, baobabs feuillus… Je me sentais inondée par la beauté. C’était à se pincer, presque irréel avec la lumière du matin qui faisait étinceler les restes de la pluie nocturne. Une beauté impossible à décrire, impossible à reproduire en photo. Bref, un moment privilégié entre moi et ce continent que j’aime tant.

Arrivée sur place, c’était magique. Tous les enfants du village sont venus se regroupés autour de moi en criant « toubabouuuuuuuuuuuuuuuuuuuuu! ». On me serrait la main, touchait la peau, mendiait une photo. La joie était au rendez-vous. Avant le début de la réunion, j’ai eu le temps de faire la visite de plusieurs concessions et d’y prendre en photo toutes les femmes qui y travaillaient. Elles étaient si amusées de se voir ensuite sur l’écran de l’appareil. Ça provoquait l’hilarité. Tout au long, j’ai été suivie par une meute d’enfants curieux et amusés qui se glissaient dans la majorité des portraits que je tentais de prendre.

La rencontre s’est également très bien déroulée et, encore une fois, nous avons eu un accueil tout africain. Arachide, eau, lait, dîner. J’ai moins mangé que la veille, étant dans une salle qui sentait l’urine des animaux (probablement leur enclos pour la nuit). C’était du tô, le repas national malien. C’est une pâte un peu flasque dont on fait une boule qu’on trempe dans une sauce verte gluante (aux gombos). La sauce, contre toute attente, était délicieuse, mais l’odeur âcre des urines de ruminants me coupa bien vite l’appétit.

De retour vers Gouni, nous avons croisé encore plusieurs troupeaux de zébus et de chèvres. La route était aussi belle qu’à l’aller. Arrêt par la Mairie afin d’attendre le bac pour 1h30 qui, cette fois-ci, n’avait aucune excuse : le soleil billait de mille feux. Encore une belle journée en village!!!

Jeudi, c’était au tour de Gouni. Comme c’est tout près, on devait y aller en moto. Étant une équipe de 3, je devais conduire la Jakarta. Comble de malheur, une pluie torrentielle s’abattait sur la région à l’heure du départ. Nous sommes tout de même partis, Modibo et moi, affronter l’élément hydrique. En passant à Koulikoro, nous devions quitter le goudron pour aller chercher Seydou qui nous accompagnait (le même homme jovial qui nous a accompagnés chez le Maire). Les manœuvres étaient assez ardues dans les rues boueuses et inégales de Koulikoro. Par la suite, pour se rendre au bac nous devions rouler sur une langue de terre qui était immergée dans le fleuve. J’ai donc roulé à moto dans le fleuve Niger. Peu de gens peuvent s’en targuer! J’ai fait de mon mieux pour éviter les roches pointues et le ressac des vagues, et j’ai pu me rendre au bac, déjà épuisée.

Une fois sur la terre ferme, la pluie s’était arrêtée, mais les routes en gardaient souvenir. Nous avons d’abord dû nous rendre à la boutique acheter des noix de kola (que l’on remet traditionnellement au chef à chaque visite). La route, d’un mètre cinquante de large (maximum, parfois je me demande si ce n’était pas un mètre) était glaiseuse, parsemée de nids d’autruche (pas de nids de poule, des bien plus gros oiseaux!) et bordée de murs de terre séchées. Quand je tournais un coin, je ne savais jamais si j’allais tomber face à face avec un zébu, une chèvre, un vieillard ou un enfant (finalement, je suis tombée nez à nez avec tous ces éléments plus d’une fois). Une fois chez le chef, on apprend qu’il nous attend à la salle de réunion, juste à côté de la boutique. Je fais demi-tour non sans manquer tomber parce que le sol glisse trop. Modibo et moi avons tout de même réussi à manœuvrer sans se salir jusqu’à notre point de départ.

La rencontre fut plus brève, mais tout aussi amicale que les précédentes. Contents d’avoir terminé pour 11h, nous voyons que le bac est de notre côté du fleuve. On se dépêche pour aller le prendre. Comme il n’y a aucun passager, les conducteurs prennent le thé au haut de la colline, à l’ombre. On laisse nos motos et allons les rejoindre. Nous attendons près d’une heure. Lorsqu’il est l’heure de partir, il n’y a pas assez de véhicules, donc le responsable nous annonce qu’il ne partira qu’à 15h. Noooooooooooooon! Fatigués par notre semaine et l’attente sous le soleil cuisant, nous envisageons l’option de traverser en pirogue, juste comme on nous propose d’allonger les 1000 CFA supplémentaires que payerait un véhicule pour la traversée, ce qui pourrait justifier celle-ci auprès des autorités. Avoir su, on aurait payé bien avant… Malgré tout, je suis bien contente d’arriver avant les coups de 17h à la maison…

Vendredi, nous avions un programme chargé (2 villages). Malheureusement, victime d’une intoxication alimentaire et malade depuis l’aurore, je suis comme un zombie lors de la première visite. À un moment, j’ai même cru défaillir. J’ai failli en échapper mon ordi que je tenais sur mes genoux. J’ai réussi à m’accrocher à la conscience le temps de la visite, et j’ai loué le ciel quand elle fut close. Le chemin du retour fut entrecoupé de « pauses » afin de me permettre de me débarrasser de la bile récalcitrante qui restait dans mon estomac. Ouch… J’ai dormi toute l’heure du midi afin de me faire des forces, mais l’heure venue de partie au deuxième village, je voulais en pleurer. Malgré tout j’y suis allée et, bien que je n’aie pas absorbée la beauté des paysages et profité de l’accueil des villageois de manière optimale, je me suis sentie énergisée par ces gens simples et généreux. Et qui sait, peut-être que toutes les bénédictions qu’ils m’ont données pour que je guérisse vite y furent pour quelque chose… Ceci dit, en revenant, j’étais fragile, mais remise sur pieds. Alhamdoulilah! Ce fut, somme toute, une semaine superbe et une expérience africaine unique, même pour moi qui ai pratiquement passé un an de ma vie dans cette sous-région.

dimanche 10 juillet 2011

Un intrus dans la villa

Samedi, alors que je balayais la véranda après avoir fait toute la maison, un lézard bien moins mignon que ceux qu’on voit habituellement (il semble plus gluant et sournois) s’approche de la porte d’entrée, alors que je suis à l’opposé, me regarde et file dans la maison en se dirigeant droit vers ma chambre. J’y entre, le repère et panique. Ils ne me dérangent pas à l’extérieur et de loin ces reptiles, mais je n’ai aucunement envie d’en avoir un dans ma chambre. Comme JF travaille sur les champs, j’appelle  Ousmane qui est dans la maison d’à côté, non sans un brin de panique dans la voix. Je le somme de venir me libérer de l’intrus.
Il arrive bien pénard. Il semble assez habitué. Il me demande d’arrêter le ventilo, de déplacer ci et ça et de lui remettre le balai. Il commence la chasse sous la bibliothèque. Le verrat de lézard file sous mon lit bien massif. On doit donc tout enlever, les draps, le matelas, la base de lit, avant de continuer la chasse. Et quelle chasse!  Des dizaines de coups de balai sont donnés à l’intrus avant qu’il capitule.
À un certain moment, Ousmane réussit à porter un coup qui fait en sorte que l’intrus perd sa queue. Alors, ce que vous avez lu dans les livres de biologie est bien vrai. Une fois isolée, la queue du lézard continue de se tortiller et de se battre pour sa vie, beaucoup trop longtemps à mon goût. Pas besoin de vous dire que d’être témoin de ce fait biologique m’a arraché quelques cris bien féminins!
Après près d’une demi-heure de chasse, nous sommes en sueur, mais l’intrus est enfin mort. Yééééé. Ousmane fait le ménage en m’évitant gentiment d’avoir à confronter le lézard ou sa défunte queue. Au passage il tue une demi-douzaine d’araignées qui avaient élu domicile sous ma base de lit. Ce n’est pas tant leur diamètre de corps qui est impressionnant que la longueur de leurs pattes.
Bon, ça y est, ma chambre est maintenant libérée, pour un temps du moins, des horribles créatures…

Des blancs en balade au balani

Samedi soir. Voilà plusieurs samedis bien tranquilles que l’on passe à Katibougou. C’est généralement très tranquille le samedi. Sauf qu’hier, Oumou et quelques femmes de son groupement avaient organisé un balani, une fête dansante pour les enfants. La fête devait débuter à 17h, mais la pluie l’a retardée jusqu’après le souper.  Belle coïncidence, les boubous que JF et moi avions commandés étaient prêts dans la même journée. Nous bravons donc la pluie pour nous rendre chez Oumou munis d’un sac contenant nos boubous.
On mange, comme à l’habitude, un délicieux repas. Oumou commence à se préparer. Elle sort, elle est magnifique avec son boubou en bazin brodé. Vers 21h, c’est à notre tour. Je vais me changer la première et je sors en même temps qu’arrive une des amies d’Oumou. La réaction est démesurée. Elles sont tellement contentes de me voir en boubou; elles crient, elles me tapent dans les mains, rient, me disent que je suis maintenant une vraie malienne… Au tour de JF. Même chose, son boubou brodé fait fureur. Nous prenons quelques photos et sommes prêts à partir. Tant qu’à être devenue malienne, je porte Aïssata au dos.
Arrivés au terrain de basket, on s’aperçoit, JF et moi, que mises à part les marraines de l’événement (i.e. Oumou et ses 3 amies), nous sommes vraiment trop habillés. En effet, la plupart des gens qui sont présents (surtout des jeunes) portent des vêtements occidentaux. Inutile de vous dire que l’arrivée des deux toubabs du campus vêtus de boubous et accompagnés des marraines de l’événement ne passe pas inaperçue. Oumou part saluer l’animateur, puis nous la perdons de vue. Nous restons bien sagement assis avec Aïssata et Ancien en attendant son retour et en nous disant « une chance qu’on est pas tout seul ». À un moment, l’animateur  qui parle en bambara semble prononcer le mot « toubabou ». Bon, on est peut-être paranoïaques… en fait, maintenant, tout le monde nous regarde. JF et moi échangeons un regard non sans un léger stress. Oumou revient, je lui demande qu’est-ce que l’animateur a dit. Elle me répond : « il a dit que vous alliez danser ». Gloups… (bruit de déglutition difficile).
Les danses se poursuivent. Ce sont surtout les jeunes filles (4 à 12 ans) qui dansent. Ensuite, c’est au tour de leurs comparses masculins. Ils sont vraiment impressionnants. À un certain moment, c’est au tour des femmes. Oumou se lève et me demande de l’accompagner. Prétextant le fait que je porte Aïssata au dos pour m’en sortir, elle finit par me laisser assise et part se trémousser au rythme de la musique.  Bientôt, c’est au tour des jeunes femmes. L’animateur, je ne sais pas comment il a su, appelle Audrey la toubab sur le dancefloor. Je me cache derrière Ancien afin d’éviter les clameurs de la foule. Il persévère et la musique ne commencera qu’une fois que j’aurai pris place dans une des deux lignes de jeunes femmes qui se font face. La musique commence. Je commence ma business non sans sentir les battements déchaînés de mon cœur. (Il faut noter ici qu’au Québec, je n’ai aucun complexe à danser, on m’attribue même un certain talent en danse, mais en Afrique, peu importe les compétences dans notre pays natales, il y a deux obstacles à la danse : les rythmes sont imprévisibles et inconnus et… je suis blanche! Cela provoque inévitablement l’hilarité des Africains qui me voient me trémousser).
À ma droite les deux filles face à face commencent à avancer vers le centre en dansant pour ensuite inverser leur place. Ma voisine le fait. C’est maintenant mon tour. Bien évidemment, cela n’échappe pas à l’attention de l’animateur qui m’encourage en hurlant mon nom.  Bon pis d’la shnoutt, je lui fais un shake d’épaules digne de ce nom. La foule explose!  Je reprends la place de ma vis-à-vis et continue à me balancer au son de la musique. Bon, la glace est brisée, mais je retourne vite m’asseoir dès que la chanson se termine.  L’animateur dit quelque chose en bambara. Je demande c’est quoi à Oumou, puisque j’ai entendu mon nom. Elle dit qu’il a dit que je sais danser. Fiou!
Après ma danse, la pression se fait de plus en plus sentir sur JF.  Un rythme hip hop réunissant les jeunes garçons commence. Après quelques instants, il s’élance et danse avec eux sous les yeux ébahis et réjouis de la foule. Bon, ça y est, les deux blancs ont dansé au balani. On reste. Je retourne plusieurs fois danser avec Oumou. Lorsqu’il est 23h, JF et moi partons porter Ancien qui dort paisiblement. En route, il accroche une de mes boucles d’oreille qui tombe. Je pose Ancien par terre et j’envoie JF chercher ma lampe frontale. Au cours de l’attente, un jeune homme passe. Je l’intercepte et lui demande de m’aider avec son portable à retrouver ma boucle. En Afrique, c’est comme ça. Pratiquement tout le monde peut se mêler de tes affaires et tu peux demander à pratiquement tout le monde de se mêler de tes affaires. Il la retrouve. Je le remercie chaleureusement et continue ma route. En chemin, je croise Ousmane qui porte toujours un manteau d’hiver (rappelez-vous qu’il a plus, donc la température a descendu sous la barre des 30 degrés, ce qui est FROID). Il prend Ancien et m’accompagne jusque chez Modibo. JF ressortait au même moment. Nous nous entendons pour nous retrouver à la villa plus tard.
Une fois douchée et changée, j’ai envie de retourner au balani continuer la fête avec Oumou. J’y vais. Je danse souvent et longtemps. Au cours d’une des danses, ma vis-à-vis aime rester longtemps au centre. J’ai donc dansé avec elle (un peu trop longtemps à mon goût) sous les encouragement de l’animateur, qui  m’a baptisée Audrey Coulibaly. Vers minuit et quart, je retourne voir les boys (JF, Ousmane et Malik) à la maison, mais je n’ai plus d’énergie, donc je ne tarde pas à aller au lit. J’ai fait de beaux rêves musicaux…

mardi 5 juillet 2011

Une autre journée dans la vie d’une stagiaire canadienne

Vu le succès du dernier récit d’une journée typique au Mali, en voici une autre, qui m’a fait dire : c’est TELLEMENT ça l’Afrique.

5h du mat. Je me réveille avec le tonnerre qui fait vibrer la maison. Et j’ai le nez bouché : j’ai attrapé un rhume en raison de la température de ma chambre qui est descendu à 27.5°C l’autre nuit. Je ne suis plus habituée à ces froids! Je ne réussis pas à me rendormir et, de toute façon, je dois me lever tôt car j’ai rendez-vous à l’IPR à 7h30 pour une visite chez le Maire de la Commune.

Après un ptit déj’ (baguette et beurre de peanuts apporté directement du Canada), je pars sous la pluie à vélo. J’ai de la difficulté à partir, car une pédale est brisée et je dois la mettre du bon côté si je ne veux pas qu’elle tombe. Mais les roues callent dans la boue et le coup d’envoi est difficile.

En route, je croise Modibo en moto qui porte un manteau d’hiver. C’est vrai que c’est un peu frais aujourd’hui, mais on parle de 28°C…

7h15 Arrivée à l’IPR en avance. Yes! Gabriel est très pointilleux sur la ponctualité (avec raison! Mais en Afrique c’est parfois tentant de ne pas arriver à l’heure). 8h, toujours pas de nouvelles de Gabriel. Mouri qui est ici depuis l’aube vient me porter un thé. J’en profite pour prendre mes messages sur le net.

8h30, toujours sans nouvelles. Modibo tente de rejoindre Gabriel, sans succès. Mouri vient me porter un 3e thé.

9h Un véhicule arrive, c’est Gabriel. Il n’a toujours pas réussi à joindre le Maire afin de confirmer notre rencontre (en raison du mauvais temps, ce n’est pas certain qu’il traversera le fleuve pour se rendre à ses bureaux). On en profite pour faire quelques correctifs à notre programmation et l’imprimer.

9h45, on part, le Maire nous recevra chez lui, dans un village près de Koulikoro. En route on passe prendre Seidou, l’homme qui a accompagné tous les stagiaires précédents dans les villages. On rit beaucoup et plusieurs plaisanteries sont faites car, dans le réseau de l’IPR, Gabriel est le supérieur de Seidou, mais dans la vie, ce dernier est l’aîné, donc Gabriel lui doit respect. Ils se taquinent donc tout au long du trajet, non sans nous écorcher gentiment au passage, Modibo et moi.

Vers 10h on est au village, mais personne ne peut nous dire où le Maire habite. Après avoir croisé un troupeau d’une trentaine de moutons, patiné en pick-up sur le sol argileux, avoir failli écrasé un jeune zébu téméraire qui traversait la rue pour aller rejoindre son troupeau et un appel au Maire, on trouve sa résidence!

Un homme en short, gougounes et vêtu d’un beau boubou multicolore brodé vient nous accueillir en souriant. C’est le Maire. L’accueil est représentatif de la rencontre que l’on aura : tout se passe sous le sceau de l’humour. Avant de passer au salon parler de choses sérieuses, sa femme vient nous saluer.

Au cours de la rencontre, on est interrompu par un bébé qui pleure dans la pièce voisine. Le Maire se lève et va chercher sa fillette. Il appelle sa femme pour qu’elle vienne le libérer afin que l’on puisse clore.

Un peu plus d’une heure plus tard, on quitte, toujours en riant et en plaisantant. En chemin, Gabriel s’arrête récupérer son journal (il est abonné mais doit se rendre à quelques km de sa résidence pour récupérer le quotidien) et je demande à ce qu’on s’arrête pour que je m’achète des mèches. La transaction faite, on repart vers l’IPR.

12h j’arrive, me prépare une salade et file ensuite chez Modibo, car Oumou va me tresser aujourd’hui. En chemin j’arrêt à la boutique acheter du jus en poudre et des sucettes pour toute la maisosnnée : je n’arriverai certainement pas les mains vides et, après tout, c’est une journée spéciale, je serai un peu plus malienne à la fin!

L’après-midi passe vraiment vite. Oumou et moi parlons d’affaires de filles : quels sont les critères de beauté dans nos pays respectifs, nos maris, nos traditions nationales, de cuisine… J’ai vraiment du plaisir et je sens que je passe un moment privilégié. Fidèle à mon habitude quand je me fais tresser, je laisse de côté la distance corporelle et appui sans gêne mes aisselles sur les genoux d’Oumou pour plus de confort et une position optimale. Parfois, Kada, sa nièce, vient l’aider en faisant quelques tresses. Pendant ce temps, Aïssata, Ancien et Mamie me divertissent en dansant, me parlant, chantant des comptines et en me chatouillant. Ancien me fait vraiment penser à Mara, mon petit frère sénégalais : il touche à tout, bouge sans cesse et fait parfois des bêtises au grand dam de sa mère.

18h30, je repars chez moi accompagnée d’Ancien, Mamie et d’une petite amie inconnue. Je prends ma douche pendant que les enfants touchent à tout. J’en profite pour couper les mèches qui dépassent en attendant JF. Vers 19h30, on part souper.

Après le souper, Oumou termine mes tresses pendant que les hommes jouent aux cartes et écoutent la télé. On me sert 2 thés pendant ce temps. Vers 22h30, boostés par le thé, on quitte JF et moi (accompagnés jusque chez nous par Modibo), car on veut aller sur internet, voir si Jean, notre coordonnateur qui est maintenant au Canada, nous a répondu à nos milliers d’interrogations. On y va en moto en se disant qu’on ne serait « donc ben pas venus à pied ». Surtout qu’internet ne fonctionne pas dans la salle des profs. Je traverse donc la rue et quelques obstacles végétaux, non sans croiser quelques ânes broutant, afin d’aller essayer autour du Centre de recherche en agroforesterie (il y a un autre réseau sans fil). Ça fonctionne! Yes sir! Je prends mes mails. Pas de nouvelles de Jean.

Je retourne voir JF pour lui dire de venir. En chemin, un âne commence à crier et les autres lui répondent. Arrivés là-bas, on se connecte et on voit une réponse de Jean dans ma boîte. Quand j’arrive pour la lire, la connexion plante. Damn! On retourne au local des profs parce que souvent quand ça ne fonctionne pas quelque part, ça fonctionne ailleurs. Pas aujourd’hui. On repart donc vers minuit un peu déçus, mais vraiment pas surpris. Cette situation relève plus de la norme que de l’exception.

On revient sous le ciel étoilé, en moto, les cheveux au vent. Tant pis! J’ai quand même eu une très belle journée. Des retards, des pluies torrentielles, des impondérables, des imprévus, des rencontres sympathiques, des rires d’enfants, des discussions, des animaux partout, des routes boueuses, des tresses, bien du thé, une connexion non fonctionnelle, des cris d’âne, des milliards d’étoiles, une Jakarta… C’est aussi ça l’Afrique.

vendredi 1 juillet 2011

Retour aux sources

Hier j’ai appris une terrible nouvelle. Les jours de ma grand-maman adorée, ou grand-mouman comme elle se plaît à dire, sont comptés. Je ne serai peut-être pas en mesure de la revoir avant qu’elle ne s’envole avec les anges. J’étais atterrée, impuissante. Je me sens coupable d’être ici si loin d’elle, de réaliser un rêve alors que les siens prennent fin.

Après m’être retenue pour ne pas (trop) pleurer tout l’après-midi (ici, on ne pleure pas!), je décide d’aller me changer les idées et d’aller jouer au basket. Arrivée sur place, je suis accueillie avec le sourire par Maman (l’autre unique fille qui joue) et quelques jeunes hommes avec qui nous jouons. Comme nous sommes peu nombreux, des enfants jouent sur le terrain. Tous me gratifient d’un sourire. Un jeune homme handicapé s’était joint à eux (il semble paralysé d’un côté de son corps et a de la difficulté à parler clairement, en raison, je crois, de sa paralysie) et essaie tant bien que mal de lancer le ballon vers le panier. Inutile de vous dire qu’avec sa condition, le ballon passe très loin du cerceau. Malgré tout il persévère et continue de jouer. Je le croise assez souvent ici pour admirer sa détermination et louer ses efforts. Partout dans le monde c’est difficile d’être limité physiquement, mais en Afrique il y a bien peu d’infrastructures et de programmes d’aide prévus pour ces gens.

Dès que j’arrive, un joueur me donne le ballon pour que je lance du 3 pts. Il entre. Le jeune paralysé crie de joie, un cri pur, sincère, il semble si heureux que mon tir ait rentré. En m’approchant de lui on a tous deux le réflexe de se taper (tant bien que mal) dans la main. Ce simple geste, sa joie sans mesure pour une banalité m’a rappelé pourquoi j’étais ici, pourquoi envers contre tous j’étais si loin de ma pauvre grand-maman et je me suis sentie mieux. Alhamdoulilah.

Une journée bien remplie

À force de me lire, vous avez certainement compris que le rythme africain est différent, vraiment différent du rythme nord-américain. Cela ne veut pas dire qu’on ne travaille pas, ou qu’on travaille moins (en fait les gens ici ont des horaires que peu d’entre nous seraient capables de soutenir à long terme), on organise simplement le temps différemment… ou parfois on ne l’organise tout simplement pas. Mardi dernier, j’ai eu une journée bien remplie, sans rien avoir planifié.

Lever tôt afin d’aller travailler à l’IPR. Internet ne fonctionne pas. Pas grave, j’ai eu une bonne connexion en fin de semaine à Bamako. Je fais ce que j’ai à faire et vers midi je retourne en vélo à la maison afin d’attaquer la montagne de lessive qui m’attend impatiemment dans un coin sombre de ma chambre. Pour ceux qui ne l’ont jamais fait, de la lessive à la main (et particulièrement les draps!) c’est long en torpinouche! Je continue ensuite à travailler sur mes trucs en mangeant. Vers 14h débarquent à quelques minutes d’intervalle Malik et Ousmane, deux voisins et amis. Nous profitons du beau temps pour faire le thé. C’est moi qui le fais!!! (Merci à mon professeur, Khalil Diawara du Sénégal, ils ont bien aimé).

Vers la fin de l’après-midi, Malik décide de réaliser un de mes rêves et de nous amener nous balader dans sa charrette, tirée par les Magiciens (nom donné à ses deux ânes).Voulant partager mon bonheur et cette chance unique (normalement quand tu as une charrette, c’est réservé au travail), on fait un détour afin d’aller chercher Mamie et Ancien pour qu’ils nous accompagnent. Deux petites amies y sont, qu’elles viennent elles aussi! Nous partons alors vers Katibougou (le village). On coupe par les champs, voit le fleuve au loin (pas si loin), puis on retourne vers l’IPR. Au lieu de tourner dans la cité, on va plus loin sur le campus, vers les champs et les bureaux. En route, on crie « Allez les Magiciens » avec les enfants pour qu’ils courent plus vite. Bien évidemment, les gens ne sont pas habitués à voir des charrettes transportant deux toubabs et une cargaison d’enfants, donc tout le monde qu’on croise a un sourire en coin.

Au retour de cette belle ballade, je pars jouer au basket, jusqu’à ce qu’il soit l’heure de souper. J’en profite pour travailler un peu avec Modibo sur ce qu’on doit présenter à la réunion du lendemain, je joue avec les enfants, puis rentre, crevée de cette belle journée improvisée.

Les dimanches à Bamako...

Samedi, profitant du départ de Jean vers Bamako, notre coordonnateur de l’UL, nous avons sauté sur l’occasion et sommes partis à la conquête de la capitale malienne pour la fin de semaine (on était tout excités, enfin on changeait un peu d’air!). On a réussi à avoir une chambre pas cher comme il va toujours au même hôtel et ce fut une escapade dans le luxe : air climatisé, télé dans la chambre (bon, je l’ai même pas regardée), internet qui fonctionne (et rapido à part de tsa!), un lit qui ne creuse pas au centre et qui fait en sorte que je ne suis pas capable de me relever sans rouler plusieurs fois sur moi-même tellement sa concavité est intense… Donc samedi soir, on a pris un bon repas en compagnie de Jean et avons appris beaucoup sur cet étonnant monsieur qui a passé une bonne partie de sa vie en Afrique (Afrique centrale, Guinée-Bissau). C’était bien inspirant.

Dimanche matin, on s’est levés hyper tôt et on est allé déjeuner sua rue comme qui dirait. C’était bien drôle de bouffer avec les locaux, pas beaucoup de blancs font ça par ici… Ensuite, taxi direction Point G. Oui, oui, vous avez bien lu! Le point G est une colline qui surplombe Bamako et qui offre une vue spectaculaire de la coquette ville et du Niger. On a marché beaucoup et sommes tombés par hasard sur un sentier « touristique ». Après deux km de marche, on a découvert une encore plus belle vue de la ville. Yééééé! (Fait cocasse : on a rencontré un gardien du conservatoire après 1km qui ne pouvait pas vraiment nous dire ce qu’il y avait plus loin… Il y travaille tous les jours…)

Ensuite, direction musée national. C’était vraiment de belles expositions, dont une sur les textiles du Mali. Le festival de la couleur!!! On a pu en apprendre davantage sur les diverses techniques et l’histoire du bazin, des bogolans, de la laine, etc. Et pour tous ceux qui connaissent la chanson, elle est vraie : les dimanches à Bamako, c’est des jours de mariage! Il y en avait justement un sur le bucolique site du musée, et on a croisé quelques autres au cours de la journée.

Ensuite on est allés au marché. Comme on était les deux seuls blancs dans le marché, on avait l’air de du miel. Il y avait un essaim qui nous tournaient autour. Ces « mouches » étaient des hommes de tout âge qui voulaient nous vendre des masques, des statuettes, des maillots de foot, des serpillères… bref tout et rien!!! Malgré mon ferme caractère (habituée à Sandaga au Sénégal, je croyais être capable de repousser les plus insistants… FAIL!), on n’a pas pu marcher seuls et décider où qu’on voulait aller des deux heures qu’on était là. Bon, faut dire qu’on ne savait pas où on voulait aller, ni acheter, donc ce n’était pas un problème en soi. Seulement un peu épuisant!

Le fait insolite du jour : on est débarqué du taxi dans un endroit très peu fréquenté par les touristes, c’était le marché des grigris. Têtes de singes, de chevaux, d’antilopes, peaux de lézard et de léopards, coquillages, poils de phacochères et d’hyènes se côtoyaient et dégageaient une puanteur qui pogne à la gorge. J’ai quand même eu le courage de prendre des photos quand j’y suis retournée lundi matin. Des souvenirs impérissables, mais il faut vraiment avoir le cœur solide! C’était drôle aussi, car les vendeurs que j’interrogeais ne voulaient pas m’expliquer à quoi chaque élément pouvait servir, on éludait mes questions. Il y a un savoir maraboutique que seuls quelques élus possèdent….

Le clou de la journée? Une baignade à l’hôtel Rabelais. Wow! Quelle sensation de plonger dans l’eau (pas froide du tout!) par cette chaleur étouffante! On a laissé couler les heures jusqu’à ce que le soleil ne nous chauffe plus, puis on est revenus à l’hôtel. J’ai bien aimé mon dimanche à la piscine de Kigali Bamako.