mardi 5 juillet 2011

Une autre journée dans la vie d’une stagiaire canadienne

Vu le succès du dernier récit d’une journée typique au Mali, en voici une autre, qui m’a fait dire : c’est TELLEMENT ça l’Afrique.

5h du mat. Je me réveille avec le tonnerre qui fait vibrer la maison. Et j’ai le nez bouché : j’ai attrapé un rhume en raison de la température de ma chambre qui est descendu à 27.5°C l’autre nuit. Je ne suis plus habituée à ces froids! Je ne réussis pas à me rendormir et, de toute façon, je dois me lever tôt car j’ai rendez-vous à l’IPR à 7h30 pour une visite chez le Maire de la Commune.

Après un ptit déj’ (baguette et beurre de peanuts apporté directement du Canada), je pars sous la pluie à vélo. J’ai de la difficulté à partir, car une pédale est brisée et je dois la mettre du bon côté si je ne veux pas qu’elle tombe. Mais les roues callent dans la boue et le coup d’envoi est difficile.

En route, je croise Modibo en moto qui porte un manteau d’hiver. C’est vrai que c’est un peu frais aujourd’hui, mais on parle de 28°C…

7h15 Arrivée à l’IPR en avance. Yes! Gabriel est très pointilleux sur la ponctualité (avec raison! Mais en Afrique c’est parfois tentant de ne pas arriver à l’heure). 8h, toujours pas de nouvelles de Gabriel. Mouri qui est ici depuis l’aube vient me porter un thé. J’en profite pour prendre mes messages sur le net.

8h30, toujours sans nouvelles. Modibo tente de rejoindre Gabriel, sans succès. Mouri vient me porter un 3e thé.

9h Un véhicule arrive, c’est Gabriel. Il n’a toujours pas réussi à joindre le Maire afin de confirmer notre rencontre (en raison du mauvais temps, ce n’est pas certain qu’il traversera le fleuve pour se rendre à ses bureaux). On en profite pour faire quelques correctifs à notre programmation et l’imprimer.

9h45, on part, le Maire nous recevra chez lui, dans un village près de Koulikoro. En route on passe prendre Seidou, l’homme qui a accompagné tous les stagiaires précédents dans les villages. On rit beaucoup et plusieurs plaisanteries sont faites car, dans le réseau de l’IPR, Gabriel est le supérieur de Seidou, mais dans la vie, ce dernier est l’aîné, donc Gabriel lui doit respect. Ils se taquinent donc tout au long du trajet, non sans nous écorcher gentiment au passage, Modibo et moi.

Vers 10h on est au village, mais personne ne peut nous dire où le Maire habite. Après avoir croisé un troupeau d’une trentaine de moutons, patiné en pick-up sur le sol argileux, avoir failli écrasé un jeune zébu téméraire qui traversait la rue pour aller rejoindre son troupeau et un appel au Maire, on trouve sa résidence!

Un homme en short, gougounes et vêtu d’un beau boubou multicolore brodé vient nous accueillir en souriant. C’est le Maire. L’accueil est représentatif de la rencontre que l’on aura : tout se passe sous le sceau de l’humour. Avant de passer au salon parler de choses sérieuses, sa femme vient nous saluer.

Au cours de la rencontre, on est interrompu par un bébé qui pleure dans la pièce voisine. Le Maire se lève et va chercher sa fillette. Il appelle sa femme pour qu’elle vienne le libérer afin que l’on puisse clore.

Un peu plus d’une heure plus tard, on quitte, toujours en riant et en plaisantant. En chemin, Gabriel s’arrête récupérer son journal (il est abonné mais doit se rendre à quelques km de sa résidence pour récupérer le quotidien) et je demande à ce qu’on s’arrête pour que je m’achète des mèches. La transaction faite, on repart vers l’IPR.

12h j’arrive, me prépare une salade et file ensuite chez Modibo, car Oumou va me tresser aujourd’hui. En chemin j’arrêt à la boutique acheter du jus en poudre et des sucettes pour toute la maisosnnée : je n’arriverai certainement pas les mains vides et, après tout, c’est une journée spéciale, je serai un peu plus malienne à la fin!

L’après-midi passe vraiment vite. Oumou et moi parlons d’affaires de filles : quels sont les critères de beauté dans nos pays respectifs, nos maris, nos traditions nationales, de cuisine… J’ai vraiment du plaisir et je sens que je passe un moment privilégié. Fidèle à mon habitude quand je me fais tresser, je laisse de côté la distance corporelle et appui sans gêne mes aisselles sur les genoux d’Oumou pour plus de confort et une position optimale. Parfois, Kada, sa nièce, vient l’aider en faisant quelques tresses. Pendant ce temps, Aïssata, Ancien et Mamie me divertissent en dansant, me parlant, chantant des comptines et en me chatouillant. Ancien me fait vraiment penser à Mara, mon petit frère sénégalais : il touche à tout, bouge sans cesse et fait parfois des bêtises au grand dam de sa mère.

18h30, je repars chez moi accompagnée d’Ancien, Mamie et d’une petite amie inconnue. Je prends ma douche pendant que les enfants touchent à tout. J’en profite pour couper les mèches qui dépassent en attendant JF. Vers 19h30, on part souper.

Après le souper, Oumou termine mes tresses pendant que les hommes jouent aux cartes et écoutent la télé. On me sert 2 thés pendant ce temps. Vers 22h30, boostés par le thé, on quitte JF et moi (accompagnés jusque chez nous par Modibo), car on veut aller sur internet, voir si Jean, notre coordonnateur qui est maintenant au Canada, nous a répondu à nos milliers d’interrogations. On y va en moto en se disant qu’on ne serait « donc ben pas venus à pied ». Surtout qu’internet ne fonctionne pas dans la salle des profs. Je traverse donc la rue et quelques obstacles végétaux, non sans croiser quelques ânes broutant, afin d’aller essayer autour du Centre de recherche en agroforesterie (il y a un autre réseau sans fil). Ça fonctionne! Yes sir! Je prends mes mails. Pas de nouvelles de Jean.

Je retourne voir JF pour lui dire de venir. En chemin, un âne commence à crier et les autres lui répondent. Arrivés là-bas, on se connecte et on voit une réponse de Jean dans ma boîte. Quand j’arrive pour la lire, la connexion plante. Damn! On retourne au local des profs parce que souvent quand ça ne fonctionne pas quelque part, ça fonctionne ailleurs. Pas aujourd’hui. On repart donc vers minuit un peu déçus, mais vraiment pas surpris. Cette situation relève plus de la norme que de l’exception.

On revient sous le ciel étoilé, en moto, les cheveux au vent. Tant pis! J’ai quand même eu une très belle journée. Des retards, des pluies torrentielles, des impondérables, des imprévus, des rencontres sympathiques, des rires d’enfants, des discussions, des animaux partout, des routes boueuses, des tresses, bien du thé, une connexion non fonctionnelle, des cris d’âne, des milliards d’étoiles, une Jakarta… C’est aussi ça l’Afrique.

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