dimanche 11 septembre 2011

Djembé

Après avoir croisé par hasard le griot au marché la veille, samedi dernier j’ai décidé de poursuivre mes leçons de djembé. Après avoir convenu d’un rendez-vous à 15h, Vieux et Ismaël sont arrivés vers les coups de 16h30 (est-ce que je m’y attendais? Oui.). Ousmane était fidèle au poste pour faire le thé et Malik est venu nous rejoindre par la suite. Nous avons commencé par revoir les rythmes déjà appris puis avons rapidement enchaînés sur des nouveaux. Attirés par le son, des enfants ont commencé à venir s’agglutiner, d’abord pour observer, avec curiosité, la toubab en train de jouer du djembé. Ensuite, Vieux a décidé de les intégrer en les faisant chanter, et spontanément, quand nous avons commencé à jouer, les enfants se sont mis à danser.

C’était vraiment un beau moment tout africain : des dizaines d’enfants que je ne connaissais pas pour la plupart, des rythmes entraînants, des chants séculaires, des voisins curieux qui viennent sans invitation, du thé… J’ai bien aimé mon second cours de djembé.

Fête de fin de Ramadan

Comme dans tout pays musulman, la fin du Ramadan au Mali est marquée par des festivités pour le moins grandioses. Pour l’occasion, un collègue stagiaire et ami, Garan, m’avait invitée à passer quelques jours dans sa famille à Bamako. Comme dans tout foyer africain qui se respecte, l’accueil fut des plus chaleureux et on tenta sans vergogne de m’engraisser!!!

La fête étant le mardi ou le mercredi (c’est en fonction de la lune que ça se décide la veille même), nous avons quitté Katibougou le dimanche en après-midi. Nous nous sommes simplement reposés le dimanche soir, car le lundi, une longue journée nous attendait. Nous sommes partis, Garan, Maman, sa sœur, et moi au marché vers les coups de 7h, car la veille de la fête est journée d’effervescence dans les marchés et nous désirions y aller tôt pour éviter la cohue. Comble de malheur, une pluie torrentielle s’abat sur nous en route (bon nous étions en voiture, ce n’est pas grave, c’est plutôt ce qui va suivre). Arrivés au marché, la pluie a diminué, mais elle laisse des traces, les rues et trottoirs sont carrément inondés. Pour nous rendre à la première boutique nous avons dû traverser trois intersections où l’eau me montait jusqu’aux genoux. Évidemment, ce n’était pas une eau limpide, mais plutôt une eau crasseuse qui avait ramassé dans ses torrents toutes les saletés du marché. Malgré tout, je ne pouvais pas m’empêcher de rire en traversant les rues, surtout que parfois un nid de poule faisait en sorte que la profondeur de l’eau augmentait brusquement. J’ai juste espéré bien fort ne pas attraper de maladie!

Quand on fut sortis de la première boutique (on y est restés longtemps, c’était pour moi!) les inondations avaient déjà disparues et le soleil malien voulait se pointer le bout du nez. On a continué nos emplettes et avons pu quitter le marché qui était déjà bondé vers midi. En après-midi, Garan et moi avons continué nos achats, mais en moto cette fois-ci. Nul besoin de vous dire que le trafic en cette journée d’effervescence était chaotique (du moins, encore plus qu’à l’habitude) et je ne me serais jamais aventurée à conduire !  Dans les rues de Bamako, on apercevait çà et là des zébus égorgés, signe que les Maliens avaient décidé que la fête serait le lendemain, croissant de lune ou pas.

Le mardi, jour de fête, a débuté avec les bénédictions d’usage et un bon repas. Déjà les gens se pressaient chez les parents de Garan pour demander pardon et formuler des bénédictions. Vêtue de mon boubou pour l’occasion, je suscitais l’amusement chez ces intellectuels maliens. Nous sommes ensuite partis, Garan et moi, faire la tournée (famille, amis, famille des amis). Bref, il m’a bien « barouatée » partout dans Bamako (ce n’est pas facile de monter en jupe sur une moto en passant! Maman a dû me montrer une technique pour monter tout en gardant ma pudeur). En après-midi, nous sommes allés chez Bintou, une amie. Elle nous a (elle aussi) fait manger (j’en pouvais déjà plus!), puis nous avons discuté en buvant des sucreries. Le soir, nous sommes partis tous les trois au Parc National, un genre de jardin botanique avec des jeux, des fontaines et des cascades. Mis à part un achalandage monstre (je ne vous raconte pas l’aria pour payer les billets d’entrées, disons qu’ici faire la queue est un concept qui n’existe pas) cette ballade où les jeunes gens étaient parés de leur plus beaux atours fut bien sympathique et clôtura une belle journée.

Aller-retour

L’avant dernière journée passée à visiter le Mali en fut une plutôt sombre. Ma chère grand-maman qui avait tenu bon jusque-là nous a quittés pour des cieux meilleurs. Tout se bousculait en moi : ma tristesse, le déni, l’envie de ne pas y penser et de me laisser submerger par la splendeur des découvertes que je faisais, les questions quant à savoir si et comment j’allais assister à ses funérailles… Les jours qui ont suivi passèrent rapidement et sont embrouillés dans ma mémoire.

Pratiquement en criant ciseau, je me retrouve dans un appareil d’Air France. Je ne me sens pas prête à retourner au Canada. Je me sens incomplète, inachevée. J’ai l’impression de ne pas avoir pris tout ce que j’avais à prendre du Mali, de ne pas avoir trouvé tout ce que je cherchais et me voilà catapultée vers chez moi, sans que je n’aie eu le temps de m’y préparer réellement. Je retourne dans un monde où tous mes besoins peuvent être satisfaits dans un délai restreint, où la circulation respecte un certain ordre, où les gens font la file pour être servis… bref, dans un monde complètement différent de celui qui était mien depuis plusieurs mois. C’est fou, à quelques heures de vol seulement, des mondes séparés par des décennies de développement se côtoient, m’accueillent, m’apprennent.

Malgré la tristesse de la raison pour laquelle je me suis retrouvée momentanément en terre natale, ce séjour, quoique extrêmement épuisant, me permit de me rappeler toutes les belles choses, mais surtout les belles personnes, qui m’attendent à mon retour définitif, que ma quête soit complétée ou non. Merci à vous, Ab, Papa, Maman, la famille, la belle-famille, les amies, les amis…

mercredi 7 septembre 2011

À la découverte du Mali

Mercredi le 10, journée tant attendue depuis le début de notre stage. Nous avions enfin la permission de partir quelques jours consécutifs afin de découvrir notre pays hôte. Que de choses à raconter! D’abord le transport. Pour se rendre à Mopti, de là où nous comptions organiser le reste de notre séjour, nous devions faire Koulikoro-Bamako en sotrama, puis Bamako-Mopti en bus. Mais d’abord, pour se rendre à l’autogare de Koulikoro, qui est à l’extérieur de la ville, loin loin loin au bout d’la chose, nous devions trouver une façon de nous y rendre, Jean-François et moi, avec nos bagages Pour ce, il faut traverser tout le campus (pas de transport en commun), continuer quelques kilomètres avant de rejoindre la civilisation, passer Koulikoro Ba, traverser Koulikoro Gare, puis finalement quitter la ville pour y arriver. Heureusement, nos amis ont des cœurs d’or. Mahamat a séché une partie de ses cours et emprunté la moto de Christophe afin de faire des 2 aller-retour nécessaires pour nous rendre à bon port. De là, un trajet cahoteux, inconfortable et à l’étroit en sotrama pour Bamako, puis un trajet de plus de 12 heures en bus avec une chaleur si infernale que j’ai dû m’acheter un éventail pour survive, pour nous rendre à Mopti (ce ne sont qu’environ 800 km sur une route goudronnée somme toute en bon état, ce sont tous les arrêts, pour des riens qui tuent!). Donc on a quitté la maison à 10h30, et avons mis le pied à terre dans la Venise malienne à 4h le lendemain matin. Pas besoin de vous dire qu’on ne se sentait pas frais!

Le jeudi, après une courte nuit de sommeil, nous sommes partis à la découverte de Mopti, une ville dont nous avions aucune attente, puisqu’il s’agissait du pivot devant nous mener en pays Dogon et à Djenné. Nous avons été agréablement surpris. Jeudi, jour de marché, nous avons traversé le marché des Bozos (ethnie de pêcheurs), le marché des Peuls et celui des Bambara. En chemin, deux garçons de notre âge nous ont proposé un tour guidé de la ville en échange d’un coup d’œil à leur boutique à la fin de la visite. On a donc pu bien découvrir la ville grâce à ces deux jeunes hommes bien motivés, qui nous ont fait sortir des sentiers battus et arpenté des rues que je soupçonne n’avoir jamais été foulées par un pied touriste. Comme promis, à la fin de la visite on les suit pour se rendre à leur boutique. Nous n’avions qu’une heure et demie devant nous et avons été confrontés à une situation toute africaine.

On se présente donc chez Mohammed, un des « guides ». Il nous fait monter à l’étage, allume le ventilo, sort le nécessaire pour préparer le thé et nous laisse en plan. Pendant ce temps, son ami s’occupe de nous préparer le thé. Près d’une heure plus tard, il revient avec trois sacs pleins à craquer; il avait dû se rendre quelque part pour trouver la marchandise, puisqu’ils ne louent pas de locaux lors de la saison basse. On a sélectionné ce qu’on voulait, avons marchandé bien longtemps et sommes partis à la course, laissant nos guides un peu amers puisque nous avons été de féroces négociateurs (nous connaissons les prix, faut pas nous en passer!). La raison de ce départ précipité était que nous avions rendez-vous pour une balade en pirogue.

Quelle balade! Un moment apaisant dans une journée mouvementée où nous ne cessions d’être interpelés, questionnés, « barouatés », sollicités, voire harcelés puisque nous faisions partie du faible lot de touristes. La balade, qui a débuté sur le Bani, nous a permis d’apprécié Mopti sous un angle nouveau, de visiter quelques îles à proximité où s’étendent des villages bozos et des campements touaregs. Nous avons ensuite quitté les eaux du Bani pour sillonner le Niger avec pour trame de fond l’agitation due à l’approche du bris du jeune et le crépuscule. Après cette belle balade fluviale, nous n’avions guère plus d’énergie que pour manger notre premier repas de la journée (pas le temps avant!) et se laisser choir dans notre lit.

Le lendemain matin, nous partions pour le Pays Dogon, attrait mythique du Mali. Je sais que j’utilise souvent les superlatifs, mais là, ils ne sont même plus suffisants! Je comprends maintenant l’engouement pour cette contrée et l’aspect incontournable de la chose. Premier contact avec le Pays Dogon, nous sommes arrêtés dans un village en bordure de piste pour acheter des noix de kola et, tant qu’à y être, visiter un peu. Prochaine escale : la falaise. La voiture nous y a donc laissé JF, notre guide et moi avec tous les bagages en nous disant « à demain! ». L’aventure commençait. Et la pluie voulait cesser, bien heureusement pour nous! Ceux qui me connaissent bien savent que j’abuse le port des gougounes (tapettes). Je peux maintenant me proclamer Reine du Maniement de la tapette, car j’ai pu descendre la falaise et traverser une partie du pays Dogon sans me départir de mes gougounes, et sans même regretter de ne pas avoir pensé à prendre mes baskets.

La vue était magnifique. Le rouge de la terre et le vert émeraude de l’hivernage s’entrechoquaient pour créer des paysages spectaculaires, dont les villages épars, les cascades occasionnelles et les arbres distordus ajoutaient au mysticisme de la chose. Premier arrêt, Kanikombole. Nous avons sillonné les petites rues du village encadrées par les cases de terre afin de nous familiariser avec le mode de vie dogon. Chaque fois que nous croisions un vieux, nous devions lui remettre une noix de kola, bien entendu seulement une fois les salutations et bénédictions d’usage terminées.

Après un bon repas et un léger repos, nous avons quitté vers Telli. Les quelques kilomètres nous séparant du village furent tout aussi beaux que ce qui nous avait été donné de voir jusqu’à présent. En arrivant, nous avons posé les bagages (un vrai fardeau avec la chaleur qui régnait!) et sommes partis escaladé la falaise afin de visiter les maisons troglodytes des Tellems (ancêtres des Dogons) et des Dogons. Les maisons les plus récentes n’étaient plus habitées depuis un demi-siècle, mais étaient très bien conservées. En soirée, nous avons tout simplement admiré le paysage qui s’offrait à nous : falaise au clair de lune, panorama mystique, mythique, irréel, émanant de beauté et de puissance. La silhouette des maisons, mosquées et églises en terre battue se détachait de la noirceur pour se soumettre à la puissance de la falaise dominant le village. J’ai dormi sur le toit, à un moment je fus réveillée par un bruit en bas, c’était un dromadaire qui nous faisait part de ses humeurs.

Le lendemain, dernière journée en pays Dogon. Après les quelques kilomètres de splendeur et de simplicité extrêmes, nous sommes finalement arrivés au dernier village, Ennde. Après un court repos, nous sommes partis à la découverte du village, avons gravi la falaise histoire de croquer le paysage qui s’offrait à nous (toujours aussi somptueux, les tons de vert et de rouge se faisant concurrence pour gagner la palme de splendeur). Après le repas, nous sommes partis nous baigner dans une petite cascade cachée. C’était trop bien et si rafraîchissant après tous les kilomètres parcourus. L’eau bleutée scintillante qui s’échappait des hauteurs du massif dogon. Le chauffeur est finalement venu nous chercher pour nous faire retraverser toute cette magnificence brute pour nous ramener à la civilisation. Pour le reste de la journée, nous avons tout simplement profité de l’ambiance de Mopti.

Le lendemain était une journée de route vers Djenné. Je me répéterais si je vous racontais la splendeur épurée des paysages. Nous sommes arrivés à destination finale au crépuscule (non sans avoir été surpris par le nombre de véhicules que peut faire traverser un bac avec un simple moteur de 75 forces), donc juste à temps pour croquer l’image de la fameuse mosquée se préparant pour la nuit. Le lundi, dernière journée de notre périple, nous nous sommes levés tôt le matin afin de vivre l’effervescence du jour de marché à Djenné, puis avons profité de la lumière matinale qui baignait la petite ville pour faire un tour dans les quartiers non fréquentés. C’était même plus beau que la mosquée à mon avis, de voir toutes ces rues sinueuses encadrées par des maisons monochromes de terre battue, animées par les talibés et les habitants se préparant à aller au marché. Nous avons malheureusement dû quitter tôt Djenné compte tenu de la longueur de la route qui nous attendait pour regagner Katibougou, nous n’avons donc pas pu profiter pleinement du caractère rustique de Djenné, mais avons quand même pu rassasier nos yeux avides de découverte. Retour très tard en soirée après avoir traversé le Mali d’est en ouest, des souvenirs plein la tête.