vendredi 10 juin 2011

Une ballade loin loin loin au bout dla chose

Lors d’un après-midi torride, alors qu’ils croyaient profiter de leur après-midi pour discuter avec le coordonnateur du projet, deux Canadiens ont décidé de meubler leur horaire soudain vide par une ballade aux alentours de Katibougou. Vers 14h, alors que le soleil est au zénith, et la chaleur à son paroxysme, ils étaient fins prêts à partir. En êtres prudents, ils prirent le goudron (la route asphaltée) dans la seule direction qu’ils ne connaissent : Koulikoro. Y ayant mis les pieds lors de leur périple au marché pour se procurer biens essentiels la veille, ils se disaient que ça pourrait être amusant de longer cette route qui dévoile parfois le mystique, mais surtout essentiel à la vie, fleuve Niger.

Après avoir joyeusement (et trop rapidement à leur goût) traversée la route ombrageuse de l’IPR bordée de grands arbres majestueux, ils s’exposèrent aux rayons cruels de l’impitoyable soleil malien. Bien pourvus en eau, cela ne les inquiéta guère. Après une trentaine de minutes de marche, l’occasion se présenta de bifurquer vers la gauche, en direction du fleuve qui, jusque-là, s’était dérobé à leurs yeux. Le spectacle qu’ils observèrent les convainquit de tenter l’aventure et de descendre la petite falaise qui les séparait de la rive sablonneuse. Une traînée bleutée, parsemée d’îlots vers ou ocre, grouillante de vie, conduisant paisiblement les pirogues s’était dévoilée. La marche sur la rive semblait constituer leur première vraie expérience du Mali. Les femmes qui portaient l’eau, le sable ou la lessive sur leur tête répondaient, souriantes, à leurs salutations balbutiées en bambara. Les hommes trop affairés à cueillir le précieux sable qui servira à construire leur pays, croisaient rarement leur chemin, mais s’illuminaient lorsqu’ils étaient salués et répondaient avec plaisir. Çà et là, à l’ombre d’un arbre ou d’une hutte en feuilles de palmier, des petits groupes mangeaient, rassemblés autour d’un unique plat.

Les Canadiens marchèrent, marchèrent, jusqu’à ce que leur route soient barrée. Alors ils retournèrent sur le goudron et continuèrent leur avancée. Leurs réserves d’eau s’amenuisaient et la chaleur cuisante refusait de s’écouler en même temps que les heures. Ils parvinrent finalement à l’orée de Koulikoro Gare (sans le savoir), achetèrent une bouteille d’eau froide et décidèrent que cette récompense était suffisante et qu’ils pouvaient rebrousser chemin. Chemin faisant, ils découvrirent que le marché du dimanche de Koulikoro Ba s’était soustrait à leur itinéraire en raison de leur détour par le rivage. Quelle ne fut pas leur surprise, eux qui croyaient avoir mis une croix sur ce fameux marché, étant déjà épuisés et sachant qu’ils devraient parcourir la même distance pour retrouver le confort de leurs pénates, de trouver celui-ci sur leur chemin. Que de pas parcourus en vain dans la cocotte-minute de l’après-midi! Ils en profitèrent pour traverser le marché et acheter quelques condiments, n’ayant pas vraiment besoin de rien. Il faut dire que leur arrivée en Afrique leur avait crié combien on peut vivre décemment avec peu et combien de choses « essentielles » en Occident sont plus que superflues au Mali, et dans bien d’autres pays. C’est donc humblement et avec la curiosité du profane qu’ils traversèrent le souk.

La Canadienne, forte de son expérience sénégalaise, fut déroutée par la liberté avec laquelle elle put circuler, sans que l’on s’adresse à elle, la toubab, pour sortir les CFA, pour solliciter son attention. C’est donc le pas léger et avec une aisance jusque-là inconnue qu’elle put parcourir les allées ombragées (quel soulagement!) du marché africain. Lorsque l’occasion se présenta, les deux Canadiens décidèrent de retourner dans la tranquillité grouillante du rivage. Ils virent des femmes et des enfants se laver ou faire la lessive et des familles entières pelleter de la pirogue vers la rive le sable qui sera ensuite transporté par les hommes vers des camions. Tous, hommes, enfants et femmes avec bébé au dos semblaient affairés à la tâche. Malgré l’effervescence, la Canadienne ne put s’empêcher de ressentir l’apaisement que ce panorama vivant offrait. Vint le moment où ils durent regagner le goudron. Ils savaient que la route était encore bien longue avant qu’ils ne puissent offrir un repos digne de ce nom à leurs pieds crispés dans leurs gougounes. Chemin faisant, ayant perdu de leur hardiesse, ils en profitèrent pour acheter de la salade à une sympathique dame et quelques « crèmes » (sachet de jus congelés) rafraichissantes. Vint enfin la pancarte de bienvenue de l’IPR, les bâtiments connus, les champs familiers et, finalement, leur villa. Ils y échouèrent, lessivés, n’ayant ni la force de discuter de la beauté de leur découverte ni celle d’entamer toute autre activité. Près de 4h avaient coulés, lentement, chaudement, comme le fleuve Niger qui avait été compagnon et muse de leur route.

Quelques photos furent prises par la Canadienne, mais aucune d’elles ne pourra rendre l’état d’âme du moment, la sensation d’être suspendu dans le temps, ni la force contradictoire des émotions vécues. Tant de gentillesse, tant de beauté, tant de vigueur pour si peu. Des enfants qui n’allaient pas à l’école (était-ce parce qu’on était dimanche? elle en doute…). Fière d’avoir bravé les éléments, elle ne pouvait oublier la force avec laquelle ces gens les bravaient chaque jour pour aligner les quelques 2$ moyens par jour avec lesquels ils vivent. Pourtant, ils semblent que ces gens soient riches d’autres biens, immatériels ceux-là. Ce sont ces bien qu’elle tentera d’acquérir, au cours des prochains mois, afin de les partager avec vous, gens importants de sa vie.

Souhaitez-lui bonne chance dans sa quête…

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