vendredi 17 juin 2011

Roule, roule, roule…

Jeudi dernier, Gabriel Demebélé, le directeur du projet pour lequel nous travaillons, nous appelle, pimpant de bonheur. Un peu surpris par cette joie inattendue (il faut dire qu’il est un de ces Africains atypiques qui ne se perd pas en conjectures et qui a l’habitude d’aller droit au but), nous nous rendons, comme convenu à son bureau. Ô joie, on nous présente le vieux vélo d’un des premiers stagiaires remis en état de marche. Enfin, nous aurons un peu plus d’indépendance pour aller acheter nos légumes à Koulikoro sans se fait carboniser pendant 2h sous le soleil.

Depuis je découvre les joies du vélo telles que je n’aurais pu les connaître au Québec : rouler et sentir la chaude brise (bon, c’est pas une fraîche brise, mais ça demeure une brise bien appréciée quand rester immobile te fait suer des litres!), saluer les autres cyclistes (généralement des vieux dont le visage s’illumine quand tu les salues), pouvoir faire le chemin entre les bureaux de l’IPR et la villa tard le soir quand les routes sont désertes mis à part quelques animaux errants, revenir manger chez soi lorsque le soleil est au zénith et regarder défiler à une allure raisonnable les champs desséchés et les grands arbres ombrageux, apprécier au clair de lune la silhouette des palmiers et des acacias sans avoir peur qu’un chien te morde… la sensation est géniale.

Anecdote cocasse. Lundi dernier, je me rends, fidèle à mon habitude aux bureaux de l’IPR pour travailler sur mon devis de recherche histoire de me libérer la conscience au plus tôt, après un délicieux souper chez Modibo. J’y vais en vélo, parce que c’est plus rapide et rouler le soir dans la noirceur totale propre aux villages africains, c’est moins apeurant que de marcher. Je me rends à bon port non sans saluer quelques hommes couchés près des bureaux qui discutent et prennent le thé. Je m’attelle à la tâche, lorsque j’entends le vent se déchaîner à l’extérieur. Curieuse, je sors voir ce qui se passe. Une bourrasque poussiéreuse me frappe au visage. Je vois des tourbillons de sable danser dans les airs et, en m’éloignant du porche, je sens de petites gouttelettes de pluie me rafraîchir. Boooooom! Giga coup de tonnerre, et flash, quelques éclairs successifs me convainquent de retourner au plus vite dans la sécurité de ma villa.

Avec un empressement tout africain (i.e. absent), j’éteins tout, je mets ma lampe frontale et je pars. Les hommes sont allés se réfugiés sur une véranda. Je les salue rapidement et commence la course contre la montre afin d’éviter l’orage. FAIL! À peine sur la route, une pluie torrentielle m’attaque et décide que je ne me rendrai pas paisiblement à la maison. Coups de vents qui m’empêchent d’avancer, gouttes qui fouettent mon visage et me brûlent les yeux, branches qui me barre la route… les éléments n’ont pas tardé à exprimer leur colère d’avoir été réprimés si longtemps pendant la saison sèche. À peine ai-je commencé à braver les foudres de Zeus, que je vois approcher des yeux jaunes, à ma hauteur… Serai-je à la veille de tomber sur le diable? Sur un djinn? (il faut savoir qu’en Afrique, ces croyances sont toujours à la page et que des forces uniques et inexplicables semblent parfois à l’œuvre). Ouf, ce n’était qu’un âne égaré. Il m’a donné une bonne frousse tout de même!

J’arrive de peine et de misère à la maison, ayant mis le double ou le triple du temps habituel, en criant alhamdoulilah! Je suis trempée des pieds à la tête, j’ai les yeux épuisés puisque je les ouvrais en alternance pour voir ma route (avec ma lampe frontale qui éclaire à 2 pieds devant – heureusement plusieurs éclairs m’ont permis de mieux prévoir les obstacles, illuminant complètement le ciel et l’horizon), mais je me sens privilégiée : ce soir, c’était moi et moi seule en compagnie de ces forces déchaînées, un moment d’intenses émotions. Tout au long de la route, j’étais partagée entre ma soumission humble envers ces éléments, mon émerveillement devant la beauté à couper le souffle de ce puissant tableau nocturne, ma solitude étouffante et ma peur au ventre d’être foudroyée. Mais je suis là, ma ngi fi rek (je suis ici seulement en wolof – pardonnez-moi, mais mon bambara n’est pas encore au point!).

Ah, je suis si contente d’avoir enfin un vélo!!!

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