mardi 21 février 2012

un centre de documentation pas comme les autres

St-Louis est une ville magnifique. Le centre-ville, se trouve sur une île. Donc, depuis une semaine, je suis sur une île. La ville est patrimoine mondial de l’UNESCO. Ça peut peut-être vous donner une idée de sa beauté : maisons à l’architecture coloniale et aux couleurs pastel bordent les rues, très peu d’automobiles circulent sur l’île qu’on peut traverser de long en large sans grande fatigue, trottoirs en coquillages, beat mille fois plus africain qu’à Dakar (on ajoute le facteur « insularité » au rythme africain usuel)… Bref, le décor dans lequel je dois avancer est si enchanteur, que j’en ai passé la majeure partie de mon temps à rêvasser, me reposer et me ressourcer. Pas mauvais en soi, mais ça donne un boost à la variable procrastination….

Je suis logée dans une auberge de jeunesse très propre, où le personnel est digne de la Teranga sénégalaise. Je vous écris en buvant une infusion que la femme de ménage m’a préparée pour soigner mon rhume. Je ne suis pas loin de la pointe nord de l’île, où l’on peut voir les pirogues et les oiseaux marins s’agiter parfois, mais la majeure partie du temps, c’est le calme apaisant des eaux placides du fleuve que j’admire. Voici donc le décor dans lequel je poursuis ma recherche depuis une semaine…

Arrivée mardi à St-Louis, je me suis rendue dès le mercredi matin au Centre de documentation de l’OMVS. J’entre. Le premier étage est un fouillis total de cartables vides empilés, de vieux documents boudinés, de boîtes sans-dessus-dessous, tous couverts d’une poussière opaque et sablonneuse. Bon, ça ne présage pas trop bien. Je monte. Sur le pallier, des étagères remplies çà et là avec ce qui semble être une absence d’ordre et de logique. Ne perdons pas espoir. J’arrive au deuxième. La porte à gauche est entrouverte. J’y jette un œil avec un timide « Salaam aleikoum ». Aucune réponse. Je pousse la porte, curieuse. Le vivarium du savant fou se poursuite ici. De vieux bureaux sont littéralement ensevelis sous des mètres (et je n’exagère pas, certains endroits sont pratiquement plus hauts que moi) d’études, de rapports, de périodiques. Personne.

Je me rabats donc vers la seconde porte, celle qui est close. J’y entre et y trouve une dame avec une grande classe en train de travailler à l’ordinateur. Je me présente en wolof. Lorsque j’arrête, hésitante à savoir si je dois continuer en français ou en wolof, elle semble lire dans mes pensées et me dit, taquine : « Allez, vous avez commencé en wolof, il faut terminer en wolof! ». Alors je continue comme je peux, en présentant la raison de ma venue (non sans y intégrer un peu de français quand il me manque du vocabulaire). Ravie, elle me dit de m’assoir, elle va en parler au directeur lorsqu’il sera libéré. Entre temps, elle a eu 3 appels sur ses deux téléphones portables et les gère avec dignité.

Au cours de l’attente, certains employés passent, alors la dame, Aïcha, leur dit de m’aborder en wolof après qu’ils m’aient saluée en français. Je discute avec eux. On me présente ensuite le directeur. Il est Malien. J’essaie de tirer des limbes les quelques notions de bambara que j’ai pu acquérir l’été dernier. L’effort en valait le coup, car tout le monde est hébété que je « parle » DEUX langues africaines, et j’ai gagné le cœur du directeur… Il m’invite dans son bureau, je lui présente mon projet, il me donne directement des documents, demande à son assistant de m’en sortir d’autres et me présente la base de donnée informatique qu’ils travaillent à mettre en place. Je consulte les documents, on se charge de faire les photocopies dont j’ai besoin, on m’offre le thé… Je fais la rencontre des autres employés du centre. Ils sont tous complètement sympathiques et curieux de savoir ce qu’une blanche comme moi fait et pourquoi je parle wolof. Je quitte le centre à l’heure du repas, joyeuse de ces rencontres et de l’accueil que j’ai reçu.

J’y reviens de lendemain. Mes photocopies sont prêtes, d’autres documents ont été sortis et préparés pour moi, le directeur m’offre même de me servir de son ordi pour fouiller la base de données. Vraiment, je ne m’attendais pas à ça, car en général, en Afrique, il y a une relation stricte et entretenue entre la hiérarchie et le degré d’accès aux informations que l’on dispense avec parcimonie seulement… Et là, tous s’activaient à m’aider, je n’aurais même pas pu rêver d’un tel accueil et d’une telle ouverture.

Par contre, je dois avouer qu’au centre, je ne travaille pas. Les discussions sont bien trop intéressantes : politique sénégalaise, mariage polygame ou monogame, valeurs modernes, spiritualité, relations interculturelles, name it, on ne s’ennuie définitivement pas et le thé est toujours notre compagnon. Un des employés, le plus extravertis, m’a confié avoir parlé de moi avec les larmes aux yeux la veille, tellement il était touché par le fait que j’avais appris le wolof. J’y suis même retournée le vendredi, sans avoir rien à faire, juste pour passer quelques heures à discuter avec ces bons vivants.

La semaine a passé vite. Hier, lundi, je n’y suis pas allée, me disant que je devais me botter les fesses et lire justement tous mes nouveaux documents (bon, j’ai pas tout lu, mais quand même, plus que si j’avais passé la journée à discuter avec mes nouveaux amis de l’OMVS). Eh bien, le soir, Paco, un guide de l’hôtel, vient me voir pour me dire que Madame Aïcha avait demandé après moi, elle avait ma nostalgie comme je n’y étais pas allée…

C’est vraiment bien de se sentir autant aidée et appréciée, par contre je me rends compte que ce cocon est difficile à quitter et que je dois maintenant sortir de cette nouvelle zone de confort que j’ai créée avec les liens tissés à l’OMVS pour maintenant rencontrer des professeurs et des intervenants qui pourront eux aussi me partager leurs perceptions sur ma problématique. À suivre, mais vraiment, le séjour à St-Louis a bien débuté.

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