mercredi 8 février 2012

En route pour le Gamou

Tivaouane, ville emblème des Tijanes, est hôte d’un pèlerinage une fois par année, qu’on nomme le Gamou. Pour cette occasion, la ville qui compte normalement environ 50 000 habitants accueille des centaines de milliers de pèlerins, certains vont même jusqu’à parler de 2 millions. Il va sans dire que lorsque le jour J approche, les embouteillages sont inévitables et les prix décuplent. Se rendre à Tivaouane, en un seul morceau de surcroît, est tout un défi! Voici l’histoire de ce voyage.

Lever avant l’aube. Fama, Mamie, Diewo, Papa et moi partons tôt, le ventre vide (pas le temps de manger!) afin d’éviter les embouteillages. Arrivés à Buntu Pikine, c’est la folie. Le soleil n’est pas encore levé que cette gare routière improvisée en bord d’autoroute fourmille de pèlerins voulant se rendre à Tivaouane. On monte d’abord dans un 7 places (taxi Pegeot) puis, comme c’est long le remplir et que le prix est abusif (5$ au lieu de 2$!) nous décidons de changer pour le bus. Une fois dans le bus, au deuxième rondpoint, je m’aperçois que je n’ai plus mon portable. Me l’a-t-on volé dans toute cette folie matinale ou bien est-il tombé dans le 7 places? Je décide de faire confiance à St-Antoine-de-Padoue, laisse Fama avec les enfants et une partie de mes bagages et descends en catastrophe de l’autobus pour courir vers la gare. Pendant 10 minutes sans relâche je cours. 

J’arrive, épuisée, sous le regard amusé des Sénégalais nullement habitués à voir une femme courir, encore moins une toubab avec ses deux sacs. Je fonce vers le 7 places, m’y lance carrément dedans à la recherche de mon portable et trouve ledit objet coincée dans une craque de la voiture. Trop contente que St-Antoine soit encore mon grand chummy, je décide de prendre place malgré le prix « exorbitant » qu’on me demande.

Une fois les 7 passagers trouvés, nous prenons la route. Peu après, un camion nous klaxonne sans cesse. On se range pour découvrir que nous étions en train de perdre des bagages (pas les miens heureusement!). Le chauffeur va fixer le tout, puis nous repartons. Peu après, nous devons nous arrêter pour que le chauffeur mette de l’eau dans le moteur qui surchauffe. C’est à ce moment qu’il se rend compte qu’il a perdu les 20 000 CFA (40$) qui devaient servir pour l’essence et nous remettre notre monnaie. Frustré, il commence à accuser le passager d’en avant. La chicane pogne, comme on dit. Tout le monde s’en mêle, sauf moi qui était perdue dans mes pensées, écoutant ma musique et trop occupée à imaginer mes retrouvailles à Tivaouane. Il nous a pris en otage pendant près de 45 minutes. Il a fallu que chaque passager concède qu’il ne lui demanderait pas sa monnaie à l’arrivée et lui expliquer que rester là ne lui servait à rien, il ne retrouverait pas par magie son 20 000 CFA, il devait l’avoir échappé lors du premier arrêt.

Pour moi, c’était 5$ de perdu. Pas de quoi me prendre la tête (surtout que je venais de retrouver mon portable, je me disais que je pouvais bien concéder ça en retour!), même si je peux vivre longtemps ici, bien modestement, avec ce 5$. Pour certains, c’est leur billet de retour qui est hypothéqué ou leur pitance de la prochaine semaine. Malgré l’arrogance et l’irresponsabilité du chauffeur, tous ont avalé le coup. C’est comme ça en Afrique. Le problème d’un devient vite le problème de tous. Dans le bon sens, comme dans le mauvais.

Pendant cet arrêt inopiné, des talibés sont, bien évidemment, venus me voir. Au début c’était pour l’aumône. Ensuite, curieux de mon « sourire de fer », ils se sont vite attroupés pour admirer mes broches. L’un deux a poussé la curiosité jusqu’à m’arracher une mèche de cheveux. Bouche bée, je n’ai même pas eu le temps d’être fâchée ou insultée tellement il m’a prise par surprise le ptit verrat!

Peu de temps ensuite, on arrête à la station d’essence pour faire le plein. J’essaie de sortir pour aller m’acheter un petit déjeuner. Ma porte ne s’ouvre pas, et je n’ai pas l’effronterie de faire sortir mes deux voisines pour que je puisse aller me rassasier. Il est 10h, ça attendra Tivaouane.
Après avoir (enfin) repris la route pour de bon, nous avons pu rouler sans heurts, jusqu’à quelques kilomètres de Tivaouane. Là, bien accotée sur ma porte, j’ai eu la peur de ma vie quand celle-ci s’est ouverte dans une courbe (oui oui, on parle de la même porte qui ne voulait pas s’ouvrir pour que je déjeune). Je ne suis pas tombée (bien que pas du tout attachée, vous comprendrez qu’ici la ceinture de sécurité est un luxe qui ne vient pas en option sur les voitures veilles de 50 ans que l’on conduit) et j’ai pu refermer ma porte une fois sortis de la courbe, mais je n’ai pu m’empêcher d’éclater de rire en pensant à ce « pèlerinage infernal ».

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