mardi 20 mars 2012

En route pour la Mauritanie

Hier matin, je me suis levée tôt, un peu stressée, car j’allais pour la première fois passer des douanes africaines, plus, je me dirigeais quand même en Mauritanie… En me préparant, une de mes deux co-chambreuses me demande si je pars bel et bien pour le Mauritanie. Après ma réponse affirmative, elle me dit qu’elle vient d’y passer un mois et demie, qu’elle a adoré, me donne le reste de ses ouguyas (la devise mauritanienne) et une carte SIM me permettant d’avoir un numéro mauritanien. Bon, c’est déjà rassurant de rencontrer une autre fille qui y a voyagé seule et qui s’y est sentie à l’aise. On discute un peu, puis je file.

La route en 7 places prend environ deux heures pour arriver au bac (bateau qui traverse gens et voitures). On entre dans les terres. Les températures dépassent clairement les 40 degré Celsius. Les paysages sont de plus en plus désertiques, avec çà et là des huttes en paille et en terre, ou des maisonnettes perdues dans l’immense néant de terre sèche qui constitue l’horizon. Après une heure de route, des bourrasques de sable nous frappent et nous donnent de la difficulté à respirer. On doit monter les fenêtres de la voiture, ce qui nous fait tous un peu suffoquer.

Enfin arrivés (après avoir cru un instant que nous avions une crevaison, car nous avion dû rouler dans une route de terre plusieurs kilomètres), je prends un petit taxi pour aller jusqu’au « poste frontière ». Là je vais voir la police pour les formalités, et en sortant, une demi-douzaine de « changeurs » sont là pour me réclamer mes francs CFA et en me disant que les douanier mauritaniens vont tous les garder s’ils les trouvent et autres menaces du genre. Je fais mine de n’avoir que 20 000 CFA à échanger, puis vais aux toilettes cacher le reste de ma « fortune » (j’avais retiré la veille au cas où ma carte ne fonctionne pas en Mauritanie) dans divers endroits dans mes bagages et sur moi. Il faut dire que n’étant pas certaine du taux de change, j’ai l’impression qu’il s’agit d’une tactique de pression pour arnaquer les toubabs, alors je ne veux pas trop en changer.

Je prends le bateau un peu craintive de perdre mon budget des deux prochaines semaines. Quand on accoste, c’est le bordel comme c’est souvent le cas en Afrique : tout le monde se dirige avec ses bagages dans toutes les directions, sans trop de courtoisie, car on est tous pressés d’arriver en retard et d’attendre dans la file des formalités. J’entends soudain une dame crier « Audrey! » je cherche d’où ça peut bien venir dans ce bordel de boubous colorés et j’aperçois Khady et Mohamed, les Mauritaniens rencontrés la semaine dernière à St-Louis. Ils viennent me chercher sur le bateau même, m’aident avec mes bagages, donnent mon passeport à un policier qu’ils connaissent et me disent d’aller m’assoir à l’ombre. Khady m’y accompagne.

Un peu stressée par le fait d’avoir perdu le contact visuel avec mon passeport, je me calme vite lorsque le policier vient m’appeler. Il me fait entrer à l’intérieur, dans une salle bondée de douaniers. Je regarde autour de moi et je vois tout plein de mains noires tendant cartes d’identité et passeport dans un chaos probablement organisé. Je réalise donc que je suis « backstage », VIP quoi. Je les salue en wolof, Khady donne son adresse, puis je récupère mon passeport, non sans reconnaissance d’avoir évité l’attente interminable qui s’annonçait sous un soleil de plomb.

Une fois sortis du poste frontière, nous traversons le marché de Rosso. De prime abord, rien n’est vraiment très différent du Sénégal, sauf une plus grande présence de gens aux traits arabes. Autour de moi, j’entends parler wolof, hassanya, peul et français. On prend un taxi vers le bureau, puis nous installons dans un bureau climatisé. C’est de loin la meilleure sensation que j’ai ressenti depuis longtemps : la fraîcheur qui permet aux pores de ma peau de se reposer un peu et d’arrêter d’évacuer toute l’eau de mon corps. On m’apporte de l’eau fraîche. Le paradis! Je ne sais pas ça fait combien de semaines que je n’ai pas bu d’eau froide. Ensuite, nous partons chez Khady qui nous reçoit pour le dîner à l’occasion. Après un succulent riz au poisson, du thé et du nectar de goyave, je pars avec Mohammed qui me prête sa chambre le temps de mon séjour à Rosso. En mettant mes sandales qui étaient restées au soleil près de deux heures, j’ai l’impression qu’elles ont fondu tellement le soleil est chaud et que le plastic est mou. Mon pied y étampe son empreinte avec une précision inégalée... on dirait des orthèses!

Une jeune fille vient balayer pendant que Mohammed vide la chambre de ses effets personnels. Les circuits électriques ont des problèmes, donc aucune lumière ne fonctionne. On installe mon moustiquaire dans la pénombre. Comme il y a coupure d’eau, on cherche des bidons pour que je puisse prendre ma douche. J’étais tellement poussiéreuse que l’eau qui s’écoule de mes cheveux est brune! Ça fait vraiment vraiment du bien de se sentir propre enfin! Malgré le merveilleux accueil que j’ai reçu, je ne peux m’empêcher de me sentir un peu seule. À l’auberge à St-Louis, je m’étais fait des amis au sein du personnel et des logeurs qui y restent pour quelques temps. Seule dans ma chambre dans un pays que je ne connais, je commence à ressentir l’isolement un peu…

On retourne ensuite rejoindre Khady au bureau pour y faire la planification de la semaine à venir. Ça semble très prometteur et je n’en reviens pas à quel point je suis chanceuse d’être aidée par Khady et Mohammed sur tous les points : accueil, logement, transport en village, connaissance du terrain, emplettes nécessaires…. Quand on retourne à la maison après un excellent souper, la lumière dans ma chambre est réparée et je commence à moins me dire « dans quoi je me suis encore embarquée? ». En me couchant, je me rappelle que c’est quand je sors de ma zone de confort que les plus belles choses m’arrivent et que je fais les apprentissages les plus durables. Malgré l’aide et l’appui formidable de Khady et Mohammed, je me sens tout de même hors de ma zone de confort en Mauritanie… et dès ce matin, j’ai senti la magie s’intégrer à mon quotidien.

Avec Khady, c’est vraiment sympa. Nous discutons de tout et de rien, des réalités de la femme canadienne et mauritanienne, des maris, des enfants, du boulot… Et Mohammed est non seulement une ressource extraordinaire pour ma recherche, il est d’une générosité et d’une bonté rarissimes. À eux deux, ils déploient tous les efforts nécessaires pour rendre mon séjour le plus facile et inoubliable possible.

Après le ptit déj, je suis sortie avec Khady m’acheter des voiles (un immense morceau de tissu dont les Mauritaniennes s’enveloppent et se voilent avec). Avec mes traits légèrement arabes (aux dires de bien des Africains) et la pâleur inhabituelle de ma peau sur ce continent, l’effet de séduction est incontestable! Hommes, femmes et enfants dans la rue me félicitent pour mon habillement, les compliments fusent. Je suis fin prête pour partir en village, où nous devons passer la nuit. Vraiment, je ne vois pas comment j’aurais pu faire sans Khady et Mohammed. Quelle chance! Alhamdoulilah!

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